samedi 23 décembre 2023

Dans l'attente de Noël

 

                                                     source: Pinterest

 

Avent de l’enfance

Quiétude dans la maison prise par la nuit dévoreuse de décembre

Boules métallisées multicolores suspendues au plafond

Crèche en bois que le père et le frère ont conçue

Avec sa veilleuse bienveillante sur le paille sur la paille de la mangeoire

Chants de Noël sur le tourne-disque et ronronnement lointain de la machine à coudre

[…]

L’enfance remonte comme un vieil hiver

Les neiges d’antan existent-elles ?

On cherche des hivers de cartes de vœux

Une chimère

L’enfant a habité en songe ces villages enneigés

Pour la lumière aux fenêtres des chaumières

Pour la promesse d’Espérance de ces églises qui invitent à Noël

Pour le chant du rouge-gorge au coin de la carte

 

Nathalie BONIFACE-MERCIER L’Engrangeoir Éditions La Chouette Imprévue, pages 22 et 23

 


dimanche 10 décembre 2023

Une maison à soi et pour les autres



            Reproduction d'un carrelage en ciment d'une maison palestinienne au début du XXème siècle avec des épices pour l'exposition "Parfums d'Orient" à l'Institut du monde arabe (Paris)

     Le mot beiti signifie «ma maison» aussi bien en arabe qu'en hébreu. C'est d'autant plus troublant quand on songe aux Israéliens et aux Palestiniens en perpétuel conflit depuis plusieurs décennies. La maison est emblématique de l'intimité, de la construction de soi, de la famille, du partage. Elle est, et devrait rester, un espace inaliénable. Or, dans les guerres, l'habitation est la cible des bombardements. Les maisons et immeubles détruits sont l'une des images les plus spectaculaires des dégâts occasionnés par la violence. Une ville réduite en miettes, c'est un peuple dont on se débarrasse. Des hommes, des femmes et des enfants attaqués dans leur propre maison, c'est une atteinte à l'être humain dans sa vulnérabilité, au sein de son foyer. Les exactions perpétrées par le Hamas le 7 octobre dernier puis les tirs des Israéliens sur les villes de Gaza entretiennent une haine dans laquelle la beiti n'édifie ni le respect de l'autre ni le partage. C'est bien triste.

    Je songeais à cela en sortant de la remarquable exposition sur les parfums à l'Institut du monde arabe vendredi dernier. J'avais quelques heures plus tôt longé l'université de Jussieu et remarqué les tentes distribuées aux SDF qui trouvent un abri contre la pluie sous la galerie qui longe le bâtiment universitaire. L'une d'elle avait particulièrement attiré mon regard. Près de la tente et d'un fauteuil de bureau à roulettes, un homme s'était reconstitué une cuisine avec une kitchenette en plastique Fischer Price des dînettes d'enfants. Sur le minuscule plateau, il avait empilé quelques fruits et des conserves. Dérisoire et touchante scène d'intimité. L'homme s'était créé un chez-soi.Une cuisine. Une pièce ô combien emblématique du confort quotidien. N'est-ce pas la cuisine qui nous nourrit?

    Au sortir de l'IMA, je repris le même itinéraire. Cette maisonnée avait pris vie. Deux hommes assis, l'un dans le fauteuil, l'autre sur un tabouret, se chauffaient au feu d'un brasero qu'un carton séparait de la cuisinette. C'était dangereux et pourtant cette scène dégageait de la quiétude. Ces quelques mètres carrés de trottoir, maison indigente, devenaient un foyer au sens du partage, de la dignité des cœurs et du besoin de repos. Un foyer, c'est fait pour le feu de la vie. Je détournai les yeux par pudeur. On ne regarde pas ce qui se passe chez les gens.

samedi 18 novembre 2023

Des moments de grâce dans un monde difficile

 


    Porte de la datcha longtemps fermée. Parce que mon ordinateur m'a joué des tours cette semaine. Parce que la cruauté des hommes m'ébranle. Parce que l'eau sournoise, inexorablement, attaque des hommes dans leur intimité ou au cœur de leur travail. J'ai des pleurs dans la tête. C'est une empathie sans frontières, sans idéologie, sans clivage. Je pleure sur ceux qui sont ennemis; si la haine est dans chaque camp, l'innocence l'est aussi. Je tremble de voir renaître dans l'espace public des outrages qu'on croyait d'un autre temps. Et, dans ma morosité spontanée, je joins à cette ribambelle tragique le souvenir des Marocains sans maison depuis le tremblement de terre, contraints de survivre dans le froid qui grignote peu à peu leurs montagnes, je joins une pensée pour les Ukrainiens mais aussi pour les Russes qui hurlent en silence НЕТ ВОЙНЕ1 faute de pouvoir le clamer librement. Et j'oublie d'autres misères du monde. Celle de la pauvreté, celle d'autres conflits. Si l'empathie n'a pas d'égoïsme, elle a ses faiblesses. Le besoin de composer avec un nécessaire oubli, protection vertueuse ou salutaire. Une façon de s'épargner. Mais aussi un élan vers la joie malgré tout.

    Alors je savoure les grâces éphémères du quotidien. Un dîner entre amis où la littérature, le bon vin, la cuisine italienne nous ont régalés. Des jeux de lumière dans les arbres fauves sur un ciel anthracite à l'horizon. Un thé chaud après les trottoirs de la ville arpentés sous la pluie. Un cours de lecture sur La Perle2 avec mes troisièmes, durant lequel mes élèves furent formidables. Leur surprise lorsque je les ai remerciés et félicités. Un échange de SMS avec une amie pour préparer une escapade parisienne. Les dernières fleurs de fuchsia cueillis au jardin. Un superbe  Nisi Dominus  de Vivaldi posté sur le Facebook d'une amie de plume. Et la perspective d'une belle soirée amicale autour d'un apéro.

1Non à la guerre.

2Roman de John Steinbeck

   

mardi 31 octobre 2023

Automne

 



Automne à pas lents sous mon crayon de bois

Automne sceau frappé sur la feuille

Page blanche jonchée de faînes.

Sous les fougères,

Une odeur de vieille maison.

Des girolles en bonnet de nuit

Soufflent la chandelle

Et le chagrin sans amant

Du gel se languit

Tandis que la pluie ruisselle.

 

Octobre 2023


jeudi 26 octobre 2023

Une plus belle humanité

 



            Quelques jours déjà que les vacances scolaires sont commencées. La dernière semaine fut éprouvante pour les enseignants et les élèves. J’ai hésité à en parler à la datcha. Il n’y avait pas de mots pour dire mon désarroi, ma tristesse. Et tant de témoignages ont été diffusés. Ces profs souvent méprisés ou ignorés, quand ils ne sont pas jalousés – ils ont tant de vacances !  – ont ces jours-ci suscité l’empathie. Faisons-nous le plus beau métier du monde ?  Lieu commun si passe-partout. Les pompiers, les soignants, les paysans font aussi le plus beau métier du monde. Et chacun pourrait se prétendre être en haut du podium. Parce que la vie en société est un maillage de gestes essentiels, nécessaires jusque dans leur discrétion ou leur supposée futilité. N’est-il pas beau de voir un boulanger sortir sa fournée ? Un guide touristique exposer les splendeurs d’une cathédrale ou d’un château ? Un animateur entraîner des résidents de maisons de retraite à la gymnastique ou au yoga ? Toutefois, en ce lundi 16 octobre dernier, durant la minute de silence qui fut, dans la cour de mon collège, un unanime élan de cœur, nos élèves étaient ces maillons indispensables d’une chaîne de solidarité et de respect qui contribuent à la plus belle humanité. Nous autres adultes, parents, enseignants, éducateurs, prêtres, imams, rabbins, hommes politiques, écrivains, scénaristes, chanteurs, champions sportifs, tous, nous avons notre responsabilité à mener auprès de nos jeunes.  Pour que germe un monde plus juste, plus tolérant, plus serein.

            La nature d’automne qui se met en dormance délivre ses dernières couleurs ambrées, se recroqueville dans ses brumes matinales et déploie ses parfums d’humus. Ses ciels gris sont fouettés de zébrures, ses nuages caracolent et livrent encore des trouées de bleu. Dans les jardins, les asters s’alanguissent sous la pluie. Les feuilles mortes occupent les trottoirs. La nature, mieux que d’illusoires et agressifs décors d’Halloween, nous ramène à la fragilité de la vie. Et elle nous donne une magistrale leçon d’Espérance parce que la terre qui s’endort porte en elle la promesse d’une renaissance.


vendredi 13 octobre 2023

Entendre un oiseau

 


                                                                        Source: Internet


                Ici ce sont des enfants qui jouent insouciants dans un jardin en ce week-end d’été indien. Là, des amis ou des touristes qui déjeunent à la terrasse d’un café, le visage enivré d’un soleil généreux. Trop. Ce qui plombe quelque peu notre gourmandise à le savourer. On nous rebat les oreilles, dans les médias, sur le pouvoir d’achat en berne. Certes, les fins de mois sont difficiles pour beaucoup. Mais le chant des oiseaux – qui pépient comme au printemps, déboussolés par la clémence du temps – est un cadeau pour tous. Et d’autres joies volètent dans notre douce France. Un barbecue en famille. Un match au club de foot local. Un cours de danse. L’anniversaire d’une grand-mère. Un camp de scouts.  Une randonnée. Les températures qui frisent les 25° dans le nord et les 30° dans le sud sont lénifiantes. On oublie volontiers que la terre est malade, qu’ailleurs les pluies torrentielles s’abattent et emportent des vies, qu’ici même des paysans se désespèrent de leurs terres trop sèches. On oublie aussi un peu la guerre à nos portes dans les plaines et villes d’Ukraine ou dans ces pays aux antipodes qu’on peine parfois à situer sur une mappemonde. 

            Et soudain, c’est le chaos là-bas, dans ce Moyen-Orient, si loin si mal compris, aux soubresauts perpétuels. Et les noms claquent dans nos consciences : Israël, kibboutz, Gaza, Hamas. Et les décomptes macabres percent nos cœurs. « On croit que tout est fini mais alors il y a toujours un rouge-gorge qui se met à chanter. » disait Paul Claudel. Or comment entendre le chant d’un oiseau dans le fracas des armes ?


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