dimanche 6 mars 2022

Le foisonnement du monde

 




            Lorsque le monde saigne, le pouvoir des mots paraît bien insignifiant. Pourquoi écrire ? Que dire quand des hommes fuient leur pays en proie aux bombes ou se terrent dans des caves ? Même s’ils peuvent avoir du poids, des mots ne sont jamais que des traces sur le papier, des caractères bien ordonnés sur l’écran de l’ordinateur. La littérature ne va pas au front et pourtant les mots ont leur combat. Les mots aussi travaillent à la paix.

            J’ai eu la tentation de trouver la tenue de ce blog bien futile en ces heures sombres. Et je ne suis pas la seule. J’ai d’ailleurs encouragé une bloggeuse, rongée par le même scrupule, à continuer ses chroniques et à poster des recettes.

            À l’heure où j’écris, dans mon pays et ailleurs, des boulangers pétrissent du pain, des cuisiniers sont aux fourneaux, des chorales chantent, des musiciens jouent, des maçons bâtissent des maisons, des jardiniers plantent des bulbes, des prêtres disent la messe, des danseurs sont sur scène – comment ne pas penser au Grand Ballet de Kiev en tournée en France ? –, des comédiens donnent une tragédie ou une comédie. Et dans chaque foyer, une femme ou un homme cuisine, repasse un vêtement, met des fleurs dans un vase, lit une histoire à un enfant. Des exemples pour me dédouaner d’écrire, alors ? Non. Cette mosaïque de gestes qui sont la Vie est comme une ribambelle d’Espérance sur les jours.

            Nos quotidiens parfois ternes, lassants dans leur morne répétition sont des grains de vie dont on oublie souvent la richesse et la saveur. Quand on peut faire cela sans contrainte, sans en être empêché, c’est que l’on habite dans un pays en paix. La guerre, hélas, ou un état despotique, prive des hommes, des femmes et des enfants de ces grains nourriciers.

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