Lorsque
le monde saigne, le pouvoir des mots paraît bien insignifiant. Pourquoi
écrire ? Que dire quand des hommes fuient leur pays en proie aux bombes ou
se terrent dans des caves ? Même s’ils peuvent avoir du poids, des mots ne
sont jamais que des traces sur le papier, des caractères bien ordonnés sur
l’écran de l’ordinateur. La littérature ne va pas au front et pourtant les mots
ont leur combat. Les mots aussi travaillent à la paix.
J’ai
eu la tentation de trouver la tenue de ce blog bien futile en ces heures
sombres. Et je ne suis pas la seule. J’ai d’ailleurs encouragé une bloggeuse,
rongée par le même scrupule, à continuer ses chroniques et à poster des
recettes.
À l’heure où j’écris, dans mon pays et ailleurs, des
boulangers pétrissent du pain, des cuisiniers sont aux fourneaux, des chorales
chantent, des musiciens jouent, des maçons bâtissent des maisons, des
jardiniers plantent des bulbes, des prêtres disent la messe, des danseurs sont
sur scène – comment ne pas penser au Grand Ballet de Kiev en tournée en
France ? –, des comédiens donnent une tragédie ou une comédie. Et dans
chaque foyer, une femme ou un homme cuisine, repasse un vêtement, met des
fleurs dans un vase, lit une histoire à un enfant. Des exemples pour me
dédouaner d’écrire, alors ? Non. Cette mosaïque de gestes qui sont la Vie
est comme une ribambelle d’Espérance sur les jours.
Nos
quotidiens parfois ternes, lassants dans leur morne répétition sont des grains
de vie dont on oublie souvent la richesse et la saveur. Quand on peut faire
cela sans contrainte, sans en être empêché, c’est que l’on habite dans un pays
en paix. La guerre, hélas, ou un état despotique, prive des hommes, des femmes
et des enfants de ces grains nourriciers.
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