mercredi 8 septembre 2021

Patience

 




                L’une des qualités indispensables à ceux et celles qui écrivent est la patience. Un livre prend du temps à écrire. Et être publié un jour est bien souvent l’aboutissement d’un parcours semé de refus. Cela peut prendre des années, d’autant plus quand on commence à écrire très jeune comme moi. Le métier s’apprend sur le tas, la maturité aidant. Bien des auteurs ont connu une expérience analogue à la mienne. Il faut une bonne dose d’opiniâtreté, de courage et un brin de folie pour persévérer. Il faut ravaler ses larmes et sa fierté et ne pas s’exalter sur sa production. Un refus peut être motivé par un texte imparfait, c’est souvent le cas lorsqu’on est encore novice dans l’écriture. Mais les refus ont aussi leurs impératifs commerciaux. Un petit éditeur dont la trésorerie est aléatoire. Un grand éditeur qui ne mise pas sur une plume inconnue. Un manuscrit qui n’est pas tout à fait en phase avec la ligne éditoriale. Un hasard malchanceux de calendrier.

            Au début des années 2000, une petite maison d’édition, en province, avait lancé une collection sympathique : des ouvrages collectifs sous forme de nouvelles articulées autour d’un verbe à l’infinitif. Le texte que je leur avais envoyé avait été retenu.  Quelques mois de patience et l’ouvrage paraîtrait. L’objet livre était beau, les couvertures des titres déjà parus, alléchantes. Fâcheuse désillusion, in fine. Une jeune autrice, leur poulain, rencontrait un succès d’estime avec l’obtention d’un prix national et l’éditeur n’avait qu’une hâte : lancer un nouvel ouvrage sur le champ de courses de la production. L’humble recueil de nouvelles était relégué dans un tiroir, sa parution repoussée aux calendes grecques. Des « scribouilleurs » néophytes comme moi devaient prendre leur mal en patience. Au tiercé de l’édition, le jeune poulain se distingua, changea bientôt d’écurie, la petite maison d’édition, pour des raisons que j’ignore et pour lesquelles je serais restée discrète en ces lignes le cas échéant, mit la clef sous le paillasson et je me retournai alors à la case départ. Quelques années plus tard, nouvelle joie (toutes mes nouvelles sont retenues pour un recueil à mon nom) et nouvelle peine. L’éditrice, âgée, a légué un catalogue de parutions consistant, mais les dures lois du marché de la diffusion-distribution ont eu raison du fils. Troisième galop d’essai. On m’accepte, puis on reporte la date de parution, on sort entre temps le livre d’un ami de l’éditeur. Mon tour viendra ; je cultive la patience et la bienveillance à l’égard de mon sympathique éditeur. Les mois défilent. Et le hasard me conduit à découvrir une nouvelle maison d’édition. Elle n’a que trois ou quatre ouvrages à son catalogue. Les livres – couverture, papier et reliure – sont de qualité. L’éditeur est dynamique et ambitieux. Il aime mon travail. Et c’est ainsi qu’est sorti en 2010 le recueil de nouvelles Les souvenirs n’encombrent pas les placards. Mes premiers pas dans le monde des auteurs publiés à compte d’édition ! Des joies, des rencontres, des salons, des ventes honorables, compte tenu de la modestie de la maison et une bonne dose d’humilité et de lucidité à mon actif car cette première publication n’est pas un aboutissement en soi mais le commencement d’un travail toujours remis sur l’établi. La passion de l’écriture s’entretient, se charge d’abnégation, de patience (maître mot), en amont avec la rédaction des textes, en aval par les contacts avec les éditeurs.

            Onze ans plus tard, à la parution de mon cinquième livre, je mesure le chemin parcouru et je ne perds pas de vue que je suis toujours en route et que je n’aurai rien sans travail.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Archives

L'appel des chemins verts

Mes consultations