L’une des qualités indispensables à ceux et celles qui
écrivent est la patience. Un livre prend du temps à écrire. Et être publié un
jour est bien souvent l’aboutissement d’un parcours semé de refus. Cela peut
prendre des années, d’autant plus quand on commence à écrire très jeune comme
moi. Le métier s’apprend sur le tas, la maturité aidant. Bien des auteurs ont
connu une expérience analogue à la mienne. Il faut une bonne dose
d’opiniâtreté, de courage et un brin de folie pour persévérer. Il faut ravaler
ses larmes et sa fierté et ne pas s’exalter sur sa production. Un refus peut
être motivé par un texte imparfait, c’est souvent le cas lorsqu’on est encore
novice dans l’écriture. Mais les refus ont aussi leurs impératifs commerciaux.
Un petit éditeur dont la trésorerie est aléatoire. Un grand éditeur qui ne mise
pas sur une plume inconnue. Un manuscrit qui n’est pas tout à fait en phase
avec la ligne éditoriale. Un hasard malchanceux de calendrier.
Au
début des années 2000, une petite maison d’édition, en province, avait lancé
une collection sympathique : des ouvrages collectifs sous forme de nouvelles
articulées autour d’un verbe à l’infinitif. Le texte que je leur avais envoyé
avait été retenu. Quelques mois de
patience et l’ouvrage paraîtrait. L’objet livre était beau, les couvertures des
titres déjà parus, alléchantes. Fâcheuse désillusion, in fine. Une jeune
autrice, leur poulain, rencontrait un succès d’estime avec l’obtention d’un
prix national et l’éditeur n’avait qu’une hâte : lancer un nouvel ouvrage
sur le champ de courses de la production. L’humble recueil de nouvelles était
relégué dans un tiroir, sa parution repoussée aux calendes grecques. Des
« scribouilleurs » néophytes comme moi devaient prendre leur mal en
patience. Au tiercé de l’édition, le jeune poulain se distingua, changea
bientôt d’écurie, la petite maison d’édition, pour des raisons que j’ignore et pour
lesquelles je serais restée discrète en ces lignes le cas échéant, mit la clef
sous le paillasson et je retournai alors à la case départ. Quelques années
plus tard, nouvelle joie (toutes mes nouvelles sont retenues pour un recueil à
mon nom) et nouvelle peine. L’éditrice, âgée, a légué un catalogue de parutions
consistant, mais les dures lois du marché de la diffusion-distribution ont eu
raison du fils. Troisième galop d’essai. On m’accepte, puis on reporte la date
de parution, on sort entre temps le livre d’un ami de l’éditeur. Mon tour
viendra ; je cultive la patience et la bienveillance à l’égard de mon
sympathique éditeur. Les mois défilent. Et le hasard me conduit à découvrir une
nouvelle maison d’édition. Elle n’a que trois ou quatre ouvrages à son
catalogue. Les livres – couverture, papier et reliure – sont de qualité.
L’éditeur est dynamique et ambitieux. Il aime mon travail. Et c’est ainsi
qu’est sorti en 2010 le recueil de nouvelles Les souvenirs n’encombrent pas
les placards. Mes premiers pas dans le monde des auteurs publiés à compte
d’édition ! Des joies, des rencontres, des salons, des ventes honorables,
compte tenu de la modestie de la maison et une bonne dose d’humilité et de
lucidité à mon actif car cette première publication n’est pas un aboutissement
en soi mais le commencement d’un travail toujours remis sur l’établi. La
passion de l’écriture s’entretient, se charge d’abnégation, de patience (maître
mot), en amont avec la rédaction des textes, en aval par les contacts avec les
éditeurs.
Onze
ans plus tard, à la parution de mon cinquième livre, je mesure le
chemin parcouru et je ne perds pas de vue que je suis toujours en route et que
je n’aurai rien sans travail.
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