La datcha semble assoupie
ces derniers temps. Les semaines chargées m’accaparent. Il me vient parfois des
idées de chroniques, une jolie phrase qui effleure la poésie, une image que je
voudrais confier aux mots, des bribes de sujets, le tout ne s’assemble pas,
même si, épars, ces morceaux viennent du collier des jours. À vivre trop vite
ou sans se retourner, on casse des fils et les perles se défont. On les
ramasse, on les abandonne dans une coupelle ou un tiroir. Petites boules
vulnérables, esseulées. Elles ne sont pourtant pas moins belles que dans
l’ordonnancement des jours et des saisons, que jointes les unes aux autres sur
le cordon du bijou. Laissons mes doigts fouiller ce vide-poche de mots glanés,
d’images conservées. J’ai bien de quoi composer une rivière de diamants pour
honorer le quotidien. La tête d’un faisan émergeant à la lisière d’un champ de
colza, un écureuil traversant la route, panache en radar, la lumière des
cierges de la veillée pascale sous les voûtes en ogive, les mots luminaires
et firmament dans le Livre de la Création, l’éclosion des premières
jacinthes dans le jardin, le parfum d’un baeckeofe qui mijote au four, des
bribes de poèmes lus à la sauvette dans un vent coulis de poésie qui glisse
dans les heures laborieuses, le chant des oiseaux – prémices de l’aube – , la
présence discrète de la mésange à tête bleue sur une branche d’arbuste à
quelques mètres de mon bureau, le sautillement du merle qui accourt, tel un
animal de compagnie, à ma vue, dans l’espoir de trouver au pied du rosier le
quignon quotidien de ma pomme partagée. Au fond, quoi d’autre qu’une poésie
sans nom qui ne s’est pas posée sur le papier mais dans nos yeux. Dans le nid
de nos cinq sens, dirais-je même.
Ce texte est magnifique par le bien être qu’il induit. Ta prose est musicale et me touche profondément.
RépondreSupprimerMerci. C'est toujours un cadeau pour moi de trouver un commentaire.
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