samedi 26 novembre 2022

Christian Bobin

 


                                                                                                   Source: Internet


                Le monde des lettres a perdu, vendredi 25 novembre, un merveilleux poète, Christian Bobin. C’était un homme d’une belle générosité, d’une simplicité sincère et qui savait goûter les petits bonheurs du quotidien et nous les offrir à travers ses mots, dans de charmants récits ou poèmes en prose. J’aurais pu noter ici quelques passages de ses livres. Mais il suffit de lire tous les hommages qui lui sont rendus dans la presse et sur internet. La langue de Christian Bobin était chatoyante et poétique même lorsqu’il parlait. Si belle qu’un jour j’ai noté à la volée ces quelques mots de lui, tâchant de retranscrire le plus fidèlement possible ses propos, entendus dans une émission télévisée. Et j’ai accroché ce papier dans ma cuisine. L’encre a passé mais la vertu de ses mots est intacte.

« Les livres agissent même quand ils sont fermés. Quand il est fermé, le livre est comme le visage d’un ami. Sa présence va vous éclairer… Le livre fermé près de vous est aussi apaisant qu’un chat… C’est un plaisir à venir. »

Christian Bobin dans La Grande librairie, le 13 février 2014.


samedi 12 novembre 2022

L'art d'utiliser le coupe-papier

 



                Hier, j’ai commencé à lire Mille chemins ouverts de Julien Green, paru aux éditions Grasset en 1964, lequel me vient de la bibliothèque du père d’une amie. La plupart des ouvrages, à l’époque, étaient vendus sans pages découpées. Monté avec des feuilles in-quarto, le livre n’offrait pas d’emblée tous ses secrets. Pour pouvoir le feuilleter, il fallait s’équiper d’un coupe-papier, glisser la pointe de la lame dans la fente des pages géminées de la tranche de queue puis remonter de bas en haut pour trancher les feuillets de la gouttière avant d’attaquer la tranche de tête.  Un peu technique mais avec de l’adresse et de la patience, les pages s’ouvraient une à une. La lecture d’un livre se méritait ! Les lecteurs avaient-ils la patience de découper toutes les pages au préalable ?

            Peu de maisons d’éditions pratiquent encore la reliure in-quarto. Je me souviens du premier livre non découpé que j’ai acheté : D’île et de mémoire de Claude Louis-Combet aux éditions José Corti. C’était il y a plus de quinze ans, à Uzès. Je suis restée des années sans ouvrir le livre, ne serait-ce que pour en garder la magie. Peut-être aussi, inconsciemment, la peur de rater la découpe ! Depuis, j’ai eu en ma possession de charmants opuscules de Joël Vernet, dans la collection entre 4 yeux aux éditions des Belles-Lettres. Le papier, épais, garde des effilochures le long de la gouttière et de la tranche supérieure. Cela a un aspect artisanal bien sympathique. Je serai en revanche bien en peine d’identifier le papier employé.

            Alors que la matière papier devient de plus en plus chère, des éditeurs de poésie, bien souvent, font encore le choix de privilégier un papier de qualité, voire rare. Mais, désormais, les romans sont imprimés sans tirés à part, comme exemplaires de bibliophilie. Et j’en reviens à mon Mille Chemins ouverts de 1964. Le père de mon ami, en acquérant ce livre, avait omis de trancher avec son coupe-papier les deux premières pages, ce que je me suis empressée de faire, mue par la curiosité d’en lire le contenu. Et c’est sans doute pourquoi j’ai été plus particulièrement sensible à ces quelques lignes qu’on ne voit plus guère dans les romans brochés. Il a été tiré de cet ouvrage, le soixante-dixième de la nouvelle série des cahiers verts, mille sept cent quatre-vingt-neuf exemplaires de luxe, à savoir : cinquante-sept exemplaires sur vergé de hollande numérotés Hollande 1 à 40 et Hollande I à XVII, cent soixante-sept exemplaires sur vélin pur fil I à XVII et mille trois cent soixante-cinq exemplaires sur alpha mousse des papeteries navarre, numérotées Alfa 1 à 1350, et Alfa mousse hors commerce réservés à la presse, numérotés S.P 1 à S.P 200. L’ensemble de ces tirages constituant l’édition originale. Fabuleux, non ! Les noms de papier font rêver. Quant au vélin, je me pose cette question : s’agit-il du vélin tel qu’on l’employait au Moyen-âge ? À savoir, des pages fabriquées dans la peau d’un veau mort-né ? Sans doute pas. Le mot vélin recouvre aussi la signification, plus moderne, d’un très beau papier. C’est plus probable. Eh oui, vérification faite, tout est dans l’indice pur fil. Il s’agit bien d’un papier très blanc, fabriqué dans une pâte à base de chiffon, de coton. Toujours est-il que ce langage d’imprimeur et d’éditeur devient étrange à nos yeux. Comme une sorte de message codé pour initiés ! Tout est subtil : hollande sans majuscule ou avec. Chiffres arabes pour certains exemplaires, chiffres romains pour les autres. Comprenne qui pourra. À moins que vous ne soyez un vrai bibliophile ?


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