Vacances. Sans vacance.
Des copies à corriger. Une conférence[1]
que je suis invitée à donner et qu’il me faut boucler. L’incendie du Bazar de
la Charité, un sujet grave et particulièrement émouvant, que j’avais eu
l’occasion d’évoquer dans Destins tragiques de princesses[2],
au chapitre consacré à Sophie-Charlotte d’Alençon. De gazettes en témoignages,
je tire des fils, j’assemble des idées. Ce terrible fait divers eut un
retentissement politique et sociétal sans pareil et une étonnante résonance
dans cette fin de siècle où l’art donnait volontiers dans le décadentisme avec des
artistes comme Félicien Rops et Gustave Moreau, avec des récits de sadisme chez
Barbey d’Aurevilly, auteur que j’avais découvert adolescente et lu avec
circonspection, toute parée de ma fraîcheur innocente d’alors. J’étais aux
antipodes des pamoisons de Madame de Mortsauf et je découvrais que la
littérature pouvait être venimeuse.
Mes doigts courent sur le
clavier et je fais un détour car, en fait, je voulais consacrer ma chronique
aux chemins verts de la campagne. Je suis en manque de nature et ma pensée, pas
toujours corsetée dans le travail, se jette parfois dans les sentiers de balade
qui m’attendent. Chemins de halage de bord de Loire, sentes entre les vignes de
la colline sancerroise. J’ai faim de dévorer le vert tendre d’avril, de boire
la lumière du val des rois dont la région de Jacques Cœur est la queue de
comète. C’est un coin de terre qui m’est cher. Terre de ma jeunesse bien
qu’elle ne soit pas mon petit Liré. Sancerre, l’austère et grise protestante,
âpre et tenace, dont seules quelques pierres savent encore murmurer la
complainte. Sancerre, la pimpante, touristique et avenante, gouleyante comme
son vin blanc. Je te connais en toutes saisons. Parfumée des vendanges à
l’automne, abrutie de soleil en été, embrumée et frisquette l’hiver. J’ai
parcouru toutes tes ruelles abruptes. Je peux les égrener de mémoire, en un
poème à la mode d’antan. Rue du Puits de Dieu, Rue des Pressoirs, rue du
Serre Cœur, rue de la Chèvre blanche, rue du Mouton noir, rue Porte serrure,
rue du Carroir de velours, rue du Vieux prêche, rue des Petits remparts. Ce
sont des mots qui chantent à mon oreille et bercent mes souvenirs. Des repas de
famille, d’amis. Des pas d’enfants qui trottinent dans l’ombre des vieilles
demeures. Un abricotier dans un jardin. Une terrasse, avec au loin, le ruban
alangui de la Loire. J’ai hâte de croquer la galette berrichonne aux pommes de
terre, un quartier de crottin de Chavignol et de plonger mes yeux dans le
reflet jaune citrine d’un verre de sauvignon. Patience…
[1]
Conférence à l’Espace Dewailly, place Dewailly, amphithéâtre Jean Cavaillés,
AMIENS, samedi 1er juin 2024 à 14h30, proposée par l’association Les
Amis de la cathédrale.
[2] Nathalie
BONIFACE-MERCIER, Destins tragiques de princesses, Editions Jourdan
(2021)
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