vendredi 29 avril 2022

 


Amandine Albisson, danseuse étoile de l'Opéra de Paris. Source Internet


        J’ai entendu ce matin à la radio que c’est aujourd’hui la journée de la danse. J’ignorais qu’il existait une journée de la danse. Quel bonheur d’apprendre qu’on rend hommage à Terpsichore ! La danse n’est pas aussi vieille que l’humanité mais on peut penser que nos lointains ancêtres ont un jour esquissé quelques pas, fait onduler leurs bras. Si l’art pariétal nous est parvenu, nulle trace du corps en mouvement. Il faut attendre l’antiquité avec les statuettes et les bas-reliefs.

            En cette journée de la danse, ayons une pensée émue pour toutes les danses, aux quatre coins du monde : les arabesques et pirouettes des danseurs classiques, le tango, le hip hop des gamins des rues newyorkaises, les danses rituelles de l’Afrique noire, les spirales des derviches tourneurs, la samba, la valse viennoise, le dabkeh au Liban, la séguedille, le fandango et le flamenco espagnols, la bourrée auvergnate, la gigue écossaise, la csárdás hongroise, la gavotte, le menuet, la pavane, le rigaudon, le trepak russe, la tarentelle. Impossible de nommer toutes les danses du monde. Leur variété donne le tournis !

 

Danse traditionnelle coréenne Source Internet
                      

 

            « Elle semble d’abord, de ses pas pleins d’esprit, effacer de la terre toute fatigue et toute sottise. […] Qu’ils sont habiles, qu’ils sont vifs, ces purs ouvriers ! Ces deux pieds babillent entre eux, et se querellent comme des colombes. Le même point du sol les fait se disputer comme pour un grain. Ils s’emportent ensemble, et se choquent dans l’air, encore. A droite, à gauche ; en avant, en arrière, et vers le haut et vers le bas, elle semble offrir des présents, des parfums, de l’encens, des baisers, et sa vie elle-même, à tous les points de la sphère, et aux pôles de l’univers. Elle trace des roses, des entrelacs, des étoiles de mouvement, et de magiques enceintes. Elle bondit hors des cercles à peine fermés. Elle bondit et court après des fantômes. Elle cueille une fleur qui n’est aussitôt qu’un sourire. »

Paul VALÉRY L’âme et la danse, NRF 1921

 

Léonore Baulac, danseuse étoile de l'Opéra de Paris, source Internet
                            

                            Germain Louvet, danseur étoile de l'Opéra de Paris dans le ballet Casse-                                Noisette, source Internet


 


jeudi 28 avril 2022

La création

 


    




La création

 

Sinueuse et indomptable

Elle repousse

Les plaques tectoniques de notre conscience

 

Elle gronde    sourd     et jaillit

Magma de mots et d’images

Ardente lactescence

 

Feu de Bengale

Millefiori

Kaléidoscope

 

Elle fume     file     s’effiloche

Dans la tréfilerie de notre âme et des forces vives

Lucie fileuse

 

Lampe en papier de riz

Elle promène ses hésitations

Tombe comme une lune

Dans le sillage de l’onde

 

Cueillie par la canne du souffleur

Elle rougeoie tournoie

Feu de verre oblong

Priapisme ambré

 

Au lucernaire

De la vigile

Elle défile    feu follet

 

Elle vacille

Filament    funambule

De nos envies

 

Forge de Vulcain

Elle cisèle le bouclier de notre muse

D’achillées jaune d’or

 

Babel débridée

Elle fuse

                     explose

                                      en constellations

 

 

   mars 2020

                      

 

 


 

samedi 16 avril 2022

Pâques

 


                                            Œuvre de Henri  Matisse. Musée Matisse à Nice 


                    

                                         Une belle fête de Pâques à tous !

mercredi 13 avril 2022

Seule la terre est éternelle

 



                                             Source: Internet



        Seule la terre est éternelle. Avec un titre aussi séduisant, le film de François Busnel et Adrien Soland, consacré à Jim Harrisson, promettait d’être une pépite. C’est effectivement un très bel hommage rendu à l’écrivain américain, décédé le 26 mars 2016, à sa table de travail alors qu’il écrivait un poème. Le tournage du film avait eu lieu moins d’un an plus tôt. Jim Harrisson, alors âgé de 77 ans, à la démarche claudicante, au souffle court et rauque de grand fumeur, évoque son enfance rurale dans le Michigan, ses lectures d’adolescent – Stendhal, Apollinaire, Rabelais –, la mort de son père et de sa sœur dans un accident de voiture et ses débuts dans l’écriture. Ses souvenirs sont livrés à la caméra, pudiquement, avec des mots simples. La diction est lente, tantôt lasse, tantôt teintée d’autodérision, parfois désabusée quand il évoque la fracture sociale aux Etats-Unis. Des gros plans sur son visage aux rides profondes captent les yeux du vieil homme, l’œil droit à jamais éteint, à sept ans, accidentellement crevé, l’œil gauche à demi-caché par une paupière tombante et soudain grand ouvert, perspicace et assuré. La bouche édentée accueille une sempiternelle cigarette et témoigne de la vieillesse abrupte, sans fard d’un homme qui vit au rythme des saisons du Montana ou de l’Arizona, mais aussi de celles de l’humaine condition, loin des mirages de l’argent, argent que lui procure pourtant ses millions d’exemplaires traduits dans plus de vingt langues. Jim Harrisson résume le bonheur de vivre à écrire le matin, pêcher l’après-midi et, surtout, vivre en osmose avec la nature, l’admirer et accepter son versant nécessairement sauvage. Il fustige les ambitions délétères des hommes et l’extermination des Indiens par l’homme blanc. Il ne craint pas la mort, parce qu’inéluctable, et admet la possibilité d’une vie après la mort, au regard de l’immensité de l’univers, mais sans se référer à Dieu. Un brin cabotin, il fait le pari de plusieurs dieux. Clin d’œil, peut-être, à ses amis indiens.

« On ne peut ramer ni nager à contre-courant.

Cette eau vive est ton passé continu que tu ne peux retrouver en empruntant le même sentier

qui t’a mené au présent, à chaque instant

l’implacable

l’indifférence du temps. À un moment de ma vie

presque tous les arbres de la terre étaient plus

petits

que moi, et aucun des oiseaux ici présents n’était là

à ma naissance, sauf un ara âgé à Bahia.

[…] [1] »

                Au gré des confidences de Jim Harrisson, le film déploie de superbes vues du Montana, à toute heure du jour, mais aussi les territoires amples, rugueux de l’Idaho, de l’Utah, du Nevada, de l’Arizona, encore pleins d’une résonance tragique quand les colons exterminaient les Ojibwés. Ces interminables routes du grand ouest américain qu’emprunte la voiture du vieillard qui roule vers son cabanon d’homme des bois à Patagonia (Arizona) ne sont-elles pas la métaphore de sa longue vie d’écrivain solitaire ?



[1] Extrait du poème Suite de livingston, Une heure de jour en moins (2006)Editions J’ai Lu 2021, traduction de l’anglais par Brice Matthieussent.


vendredi 8 avril 2022

Lectures à semer

 

            



          

            Le président Emmanuel Macron a fait de la lecture une grande cause nationale. Initiative louable et qui s’est notamment concrétisée par les chèques culture distribués aux adolescents. Mais les Français n’ont pas attendu leur président pour semer la lecture en toutes saisons et en tous lieux. Des initiatives privées ou institutionnelles sont pléthoriques dans notre hexagone. Lire à voix haute des extraits de romans, des poèmes ou des nouvelles est une semaison agréable, féconde et chaleureuse. Elle met les mots en bouche, les fait vivre. Elle rassemble les hommes, elle colore un lieu anonyme ou impersonnel.  

            Chaque mois de mars, depuis 1999, le Printemps des Poètes offre des lectures de poésie à foison, à l’initiative de maisons d’éditions, de communes. Des lecteurs anonymes ou professionnels, des comédiens, les auteurs eux-mêmes lisent des vers dans des halls de gare, dans des théâtres, des hôpitaux, des écoles. C’est dans le cadre du festival Rayon vers, éclos lors du Printemps des Poètes cette année, que j’ai eu l’occasion de lire quelques pages de L’Engrangeoir dans une résidence pour seniors avec un accompagnement musical. (Ce type d’établissement propose des appartements en location à des personnes âgées et autonomes qui bénéficient d’une vie sociale partagée et accompagnée. Une salle de restauration, une chambre d’hôte pour la famille, une salle d’activités et un personnel assure ces liens de vie commune.) Ce jour-là, avaient été conviés également des résidents d’un foyer de vie. Ce fut un beau moment de convivialité et d’émotions partagées.

            La lecture à voix haute essaime aussi bien sûr dans les bibliothèques. Une pratique évidente aujourd’hui, mais qui ne l’a pas toujours été. On a longtemps réservé la lecture orale à des bibliothécaires s’adressant aux enfants. Dans notre moisson de lectures orales, nous pensons évidemment à la formidable initiative de François Busnel avec son concours de lecture pour les collégiens et lycéens Si on lisait à voix haute.

            D’autres projets sont devenus de sympathiques rencontres autour du livre. Créé par le Conseil régional Centre- Val de Loire, les Mille lectures d’hiver propose aux habitants de cette région d’inviter chez eux des voisins, des amis. Le temps d’une veillée hivernale, un lecteur les emmène au gré des mots à la découverte d’un auteur.

            L’association Duo en accord, en Picardie, propose des lectures musicales de poèmes, nourries par une thématique, chez des particuliers, dans des maisons de retraites, des salles des fêtes au profit d’associations caritatives. Au début des années 2000, la Compagnie Paroles buissonnières, entraîne la comédienne Marianne Cantacuzène sur les routes de France et d’Espagne, avec des livres dans sa besace et même une bibliothèque tour de Babel itinérante. En 2005, orchestré par Marianne Cantacuzène et des comédiens de la région d’Amiens, une centaine de lecteurs bénévoles lisent dans son intégralité, jour et nuit, le temps d’un week-end, les milliers de vers de La légende des siècles de Victor Hugo. Un souvenir inoubliable pour la lectrice et l’auditrice que je fus dans cette aventure exceptionnelle, partagée avec quelques collègues et amis.

            Quand la voix d’un lecteur est l’ambassadeur d’un écrivain connu ou inconnu, c’est la grande famille de la littérature qui se déploie, les mots semés font des champs moissonnés et du pain de joie à distribuer. Les mots relient les hommes, dénouent les tensions, apaisent les cœurs blessés, les esprits inquiets, ouvrent des horizons. Il m’est impossible de citer toutes les manifestations de lectures à voix haute en France. Je ne les connais d’ailleurs pas toutes. Certaines ne sont pas médiatisées ; locales, privées, modestes ou ambitieuses, elles sont toutes un coin de pays de cocagne où les mots sont bons à croquer.

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