lundi 17 juillet 2023

Carnet d'été

 



            Sur mon carnet tout neuf

            Je n’ai pas eu à croquer l’été

            Ciel bleu barbeau

            Champs de lin champs de blé

            Tout seuls sont venus s’y poser

            Quelques coquelicots ont poussé

            À la pointe du pinceau

            Aquarelle de sérénité

            Et la trille de l’alouette

            Entre les pages est montée

                Nathalie Boniface-Mercier    

 


samedi 8 juillet 2023

Escapade parisienne

 


            « Je ne crois pas qu’il y ait une ville au monde où le beau temps se manifeste avec plus d’ingéniosité, de charme et de certitude qu’à Paris. » J’avais, en me promenant dans l’île de la Cité de bon matin, il y a quelque temps, cette phrase de Léon-Paul Fargue à l’esprit. Pas très fidèlement du reste, ma mémoire ayant oublié la « certitude ». L’écrivain, inlassable chroniqueur de Paris, écrivait cela durant l’Occupation. « C’est, du Luxembourg aux Champs-Elysées, au Bois, le long des rues, et dans l’âme de chaque square, et partout, malgré les ténèbres de la guerre, un ballet de terrasses et de passants, une agitation discrète et joyeuse qui mêle balustrades et véhicules, bêtes et gens, dans un même tourbillon de générosité soudaine et de tendresse. […] On sort, on se jette dans la capitale plus parée qu’un salon et comme ornée pour une réception ininterrompue de messages. [1] »

            Être dans Paris, quelle que soit la saison, me fait toujours cet effet de me jeter dans la capitale, de me frotter à elle, de l’arpenter avec un enthousiasme toujours renouvelé. Les rues, les bords de Seine, les ponts, les musées me dynamisent, me donnent une énergie gourmande, une curiosité insatiable. Paris est une invitation. Certains de ses quartiers, qui me sont familiers, ne me lassent jamais. Le ciel a ses couleurs et ses lumières qui poudroient sur la pierre haussmannienne, qui donnent de l’éclat aux chaises de bistrot, vernissent les kiosques à journaux et embellissent les marronniers. Un gris rageur de novembre, sur le bord de la rupture, ravale son averse quand une dague de soleil pourfend le ciel au-dessus des toits du Louvre. Une neige lente redessine les allées des Tuileries. Un crépuscule d’hiver rougeoie sur la Grande Arche. Une clarté d’après l’ondée d’avril choit sous la verrière du passage Choiseul. Le soleil d’août glisse entre les arbres de la fontaine Médicis du jardin du Luxembourg et  mordore le corps de la nymphe Galatée. J’ai ces souvenirs en toutes saisons dans ma mémoire, faisant fi des années. Je suis multiple, toutes saisons réunies, toutes années abolies, dès que j’arpente Paris.

            Heure grave dans l’île de la Cité quand s’ouvrent les portes du Tribunal et que la silhouette amputée de Notre-Dame se dégage de la brume matinale. La flèche royale de la Sainte-Chapelle orchestre le ciel bleu. Les heures glissent sous les voûtes de la Conciergerie où l’on rend hommage, le temps d’une exposition, à la gastronomie parisienne. Puis je sillonne la rue Saint-André-des-Arts, un coup de cœur de jeunesse, gagne la rue de Buci et file droit sur Saint-Germain-des- prés. La vieille dame se refait une toilette. La rue Bonaparte n’a plus de surprises pour moi. Enfin presque. Ladurée et ses macarons si convoités autrefois ont assouvi en mon jeune temps mon goût du bien-vivre. Aujourd’hui, c’est une nouvelle boutique qui m’attire : un palais de thés japonais à la décoration minimaliste et colorée, rafraîchissante en cet après-midi torride. Je cède à l’empire de la consommation. Et quelques numéros de rues plus bas, me voici soudain propulsée au dix-neuvième siècle. Paris me réservera toujours des surprises ! Comment ai-je pu emprunter si souvent cette rue et ne jamais lever le nez vers ce blason ? BULLY établissement fondé en 1803. En 1837, Honoré de Balzac s’inspira du parfumeur Jean-Vincent Bully et de son officine pour son roman César Birotteau. Et me voilà en plein univers balzacien. Je foule le carrelage vernissé deux fois centenaire, j’admire les boiseries et les flacons vert céladon aux noms qui me laissent rêveuse : Eau triple de verveine des Andes et basilic d’Ulu, eau triple de patate douce des Caraïbes et carotte d’Afghanistan. Sur une table en bois, un employé calligraphie à la plume d’oie l’étiquette de l’heureuse destinataire de ces produits d’un autre âge. Et je reprends pied sur le trottoir de mon siècle, l’esprit enivré de senteurs d’antan.




[1] Léon-Paul FARGUE, Déjeuners de soleil (1942 Gallimard ; réédition 1996, collection L’Imaginaire Gallimard)

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