vendredi 23 décembre 2022

Joyeux noël

 



                                               Francesco Francia (1447 ou 1449-1517)
                                               Vierge à l'Enfant (détail) Bologne


                                         Angelo musicante

                                         Douces notes de sérénité

                                         Un Enfant nous est né

                                         Pour que vienne la Paix


                                              Joyeux Noël


samedi 17 décembre 2022

Hivers de mon enfance

 

                                            Photo J. Mercier

                                                       

L’enfance remonte comme un vieil hiver

Les neiges d’antan existent-elles ?

On cherche des hivers de cartes de vœux

Une chimère

L’enfant a habité en songe ces villages enneigés

Pour la lumière aux fenêtres des chaumières

Pour la promesse d’Espérance de ces églises qui invitent à Noël

Pour le chant du rouge-gorge au coin de la carte

 

[…]

 

Parfois l’hiver brode des fleurs de givre

Rideaux de dentelle éphémères

Qu’on n’ouvre pas

L’enfant l’a appris à ses dépens du bout des doigts

 

L’Engrangeoir Nathalie Boniface-Mercier, Éditions La Chouette imprévue (2021), pages 22, 23 et 56

 


vendredi 9 décembre 2022

Magie de la lumière

 

         


   Avec le temps de l’Avent, les illuminations de noël sont revenues dans nos villes et villages, plus ou moins fastueuses, faisant fi des injonctions à la sobriété énergétique. J’aime à les revoir chaque année mais cette débauche de lumières, de cette surenchère d’éclairages m’agace aussi quelque peu. Loin, in fine, du véritable message de noël. Il y a quelques jours, alors que j’arpentais une rue illuminée, une image totalement décalée s’est glissée dans mon esprit. J’ai revu la couverture d’un livre sur l’Himalaya[1] que m’avait offert autrefois une amie pour mon anniversaire. Une photographie unique, prodigieuse. Une ode à la lumière, somptueuse et poétique, avec laquelle aucune guirlande de nos riches pays occidentaux ne pourrait rivaliser. Les yeux de nos enfants gâtés n’auront jamais l’émerveillement de Pangdjé, une Népalaise de dix ans, qui s’enthousiasmait, un jour d’hiver 1978, des reflets du soleil sur un morceau de glace qu’elle avait brisé dans une flaque d’eau gelée. Le photographe, Éric Valli, a su saisir l’instantanéité de cette joie enfantine, humble et grandiose à la fois. Et la qualité du cliché nous donne à voir la lumière réfractée sur le petit bout de glace tandis qu’une auréole nimbe la tête échevelée de l’enfant. Sans entrer dans un raisonnement binaire et inévitablement réducteur, je ne peux m’empêcher de songer au foisonnement assez vain de nos richesses occidentales au regard du modeste jeu de cette fillette au Népal. À contre-courant de nos noëls mercantiles, de nos jeux sophistiqués, ne perdons pas la magie de la lumière dans son plus simple habit et sachons l’honorer comme il se doit. Fiat lux.



[1] Himalaya Photographies d’Éric Valli, texte de Anne de Sales, Éditions de La Martinière, 2001 et réédité en 2010

samedi 3 décembre 2022

Le grelot à la porte

 

                                                    Pâtisserie Meert Lille  Source: Internet

            Il y a peu, la boucherie – charcuterie de mon quartier fermait définitivement. Départ en retraite. Le magasin ne sera pas repris. J’ai franchi pour la dernière fois le seuil de ce magasin de quartier avec un pincement au cœur. Les petits commerces disparaissent. Et avec eux toute une tradition de familière bonhomie dans les relations humaines. Des savoir-faire aussi. Mais ce n'est pas tout. Un patrimoine citadin ou rural s’efface. Des objets, des couleurs, des décors, parfois kitch ou retro mais qui traduisaient un je ne sais quoi de french touch dont certains Américains sont si friands chez nous. Ces belles façades en marbre noir ornementées de têtes de vaches. Ces guirlandes de roses en céramique sur les murs ou en plastique entre les raviers en porcelaine à liseré fleuri. Chez mon boucher, c’était une frise de roses stylisées, art déco, qui courait sur le carrelage de la muraille. La lumière jaune cru des néons me rappelait des ambiances de cuisines, l’hiver, dans les maisons des années soixante-dix. Je n’ose penser au saccage à venir de ces carreaux de faïence sous les coups de burin quand le local sera transformé en immeuble de rapport. Et je revois encore le décor Belle Epoque de la boulangerie-pâtisserie à deux pas de chez moi, avalé par les réfections des propriétaires successifs. Les boiseries beiges aux volutes de fleurs rose tyrien, bleu ciel et vert amande ont été placardées d’un mauvais lambris gris et blanc pour donner à la boutique une allure d’ersatz de starbuck coffee incongru et triste. Puis, l’artisan ayant fait faillite, la boutique fut l’objet d’un nouveau massacre. Mur de fausses briques couleur sienne en vis-à-vis de murs bleu outremer. La façade seule garderait un soupçon de son antique noblesse avec ses panneaux et sa devanture de bois, n’était la lasure teintée cire d’abeille qui a eu raison du vieux rose délavé d’antan et qui s’est trouvée un jour affublée d’un B incongru, peint à la main pour escamoter le P de pétrine parce qu’un concurrent quelque quatre cent mètres plus bas a planté sa boutique, énième clone d’une chaîne de magasins bien connue et qu’il n’est point nécessaire de nommer ici. 


            La semaine dernière, l’association Ecrivains des Hauts-de-France se réunissait dans un des salons de la célèbre pâtisserie Meert, à Lille. Si la maison doit sa renommée à sa gaufre fourrée d’une ganache à la vanille de Madagascar, elle la doit tout autant à la magnificence des lieux. La boutique, née en 1607, fut d’abord celle d’une dynastie d’apothicaires-épiciers, qui, en 1677, put développer son activité en boulangerie-pâtisserie. L’endroit est un délice pour les yeux. Le seul magasin, j’aime à dire en plaisantant, où l’on se réjouit de faire la queue avant d’être servi ! Une plongée en plein XVIIIème siècle dans un étonnant décor pompéien et orientaliste, à une époque où l’on s’extasiait de découvrir le thé, le café et le chocolat. Ces breuvages et délicatesses du palais arrivaient d’Orient ou du Nouveau Monde sur des caravelles. Le magasin se dota alors d’un salon de thé, dans le style Louis XVI, puis d’un deuxième salon, dans les années 1930. Aujourd’hui, plus que jamais, on pousse la porte de la maison Meert autant pour la joie de voyager dans le temps que celle de déguster leurs pâtisseries. Et la beauté des lieux n’a rien à envier à celle des célèbres cafés viennois. L’atmosphère, toute en nuances, y est toutefois différente. À chacun son Histoire et ses illustres fantômes.


samedi 26 novembre 2022

Christian Bobin

 


                                                                                                   Source: Internet


                Le monde des lettres a perdu, vendredi 25 novembre, un merveilleux poète, Christian Bobin. C’était un homme d’une belle générosité, d’une simplicité sincère et qui savait goûter les petits bonheurs du quotidien et nous les offrir à travers ses mots, dans de charmants récits ou poèmes en prose. J’aurais pu noter ici quelques passages de ses livres. Mais il suffit de lire tous les hommages qui lui sont rendus dans la presse et sur internet. La langue de Christian Bobin était chatoyante et poétique même lorsqu’il parlait. Si belle qu’un jour j’ai noté à la volée ces quelques mots de lui, tâchant de retranscrire le plus fidèlement possible ses propos, entendus dans une émission télévisée. Et j’ai accroché ce papier dans ma cuisine. L’encre a passé mais la vertu de ses mots est intacte.

« Les livres agissent même quand ils sont fermés. Quand il est fermé, le livre est comme le visage d’un ami. Sa présence va vous éclairer… Le livre fermé près de vous est aussi apaisant qu’un chat… C’est un plaisir à venir. »

Christian Bobin dans La Grande librairie, le 13 février 2014.


samedi 12 novembre 2022

L'art d'utiliser le coupe-papier

 



                Hier, j’ai commencé à lire Mille chemins ouverts de Julien Green, paru aux éditions Grasset en 1964, lequel me vient de la bibliothèque du père d’une amie. La plupart des ouvrages, à l’époque, étaient vendus sans pages découpées. Monté avec des feuilles in-quarto, le livre n’offrait pas d’emblée tous ses secrets. Pour pouvoir le feuilleter, il fallait s’équiper d’un coupe-papier, glisser la pointe de la lame dans la fente des pages géminées de la tranche de queue puis remonter de bas en haut pour trancher les feuillets de la gouttière avant d’attaquer la tranche de tête.  Un peu technique mais avec de l’adresse et de la patience, les pages s’ouvraient une à une. La lecture d’un livre se méritait ! Les lecteurs avaient-ils la patience de découper toutes les pages au préalable ?

            Peu de maisons d’éditions pratiquent encore la reliure in-quarto. Je me souviens du premier livre non découpé que j’ai acheté : D’île et de mémoire de Claude Louis-Combet aux éditions José Corti. C’était il y a plus de quinze ans, à Uzès. Je suis restée des années sans ouvrir le livre, ne serait-ce que pour en garder la magie. Peut-être aussi, inconsciemment, la peur de rater la découpe ! Depuis, j’ai eu en ma possession de charmants opuscules de Joël Vernet, dans la collection entre 4 yeux aux éditions des Belles-Lettres. Le papier, épais, garde des effilochures le long de la gouttière et de la tranche supérieure. Cela a un aspect artisanal bien sympathique. Je serai en revanche bien en peine d’identifier le papier employé.

            Alors que la matière papier devient de plus en plus chère, des éditeurs de poésie, bien souvent, font encore le choix de privilégier un papier de qualité, voire rare. Mais, désormais, les romans sont imprimés sans tirés à part, comme exemplaires de bibliophilie. Et j’en reviens à mon Mille Chemins ouverts de 1964. Le père de mon ami, en acquérant ce livre, avait omis de trancher avec son coupe-papier les deux premières pages, ce que je me suis empressée de faire, mue par la curiosité d’en lire le contenu. Et c’est sans doute pourquoi j’ai été plus particulièrement sensible à ces quelques lignes qu’on ne voit plus guère dans les romans brochés. Il a été tiré de cet ouvrage, le soixante-dixième de la nouvelle série des cahiers verts, mille sept cent quatre-vingt-neuf exemplaires de luxe, à savoir : cinquante-sept exemplaires sur vergé de hollande numérotés Hollande 1 à 40 et Hollande I à XVII, cent soixante-sept exemplaires sur vélin pur fil I à XVII et mille trois cent soixante-cinq exemplaires sur alpha mousse des papeteries navarre, numérotées Alfa 1 à 1350, et Alfa mousse hors commerce réservés à la presse, numérotés S.P 1 à S.P 200. L’ensemble de ces tirages constituant l’édition originale. Fabuleux, non ! Les noms de papier font rêver. Quant au vélin, je me pose cette question : s’agit-il du vélin tel qu’on l’employait au Moyen-âge ? À savoir, des pages fabriquées dans la peau d’un veau mort-né ? Sans doute pas. Le mot vélin recouvre aussi la signification, plus moderne, d’un très beau papier. C’est plus probable. Eh oui, vérification faite, tout est dans l’indice pur fil. Il s’agit bien d’un papier très blanc, fabriqué dans une pâte à base de chiffon, de coton. Toujours est-il que ce langage d’imprimeur et d’éditeur devient étrange à nos yeux. Comme une sorte de message codé pour initiés ! Tout est subtil : hollande sans majuscule ou avec. Chiffres arabes pour certains exemplaires, chiffres romains pour les autres. Comprenne qui pourra. À moins que vous ne soyez un vrai bibliophile ?


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