Pâtisserie Meert Lille Source: Internet
Il
y a peu, la boucherie – charcuterie de mon quartier fermait définitivement.
Départ en retraite. Le magasin ne sera pas repris. J’ai franchi pour la
dernière fois le seuil de ce magasin de quartier avec un pincement au cœur. Les
petits commerces disparaissent. Et avec eux toute une tradition de familière
bonhomie dans les relations humaines. Des savoir-faire aussi. Mais ce n'est pas
tout. Un patrimoine citadin ou rural s’efface. Des objets, des couleurs, des
décors, parfois kitch ou retro mais qui traduisaient un je ne sais quoi de french
touch dont certains Américains sont si friands chez nous. Ces belles
façades en marbre noir ornementées de têtes de vaches. Ces guirlandes de roses
en céramique sur les murs ou en plastique entre les raviers en porcelaine à
liseré fleuri. Chez mon boucher, c’était une frise de roses stylisées, art
déco, qui courait sur le carrelage de la muraille. La lumière jaune cru des
néons me rappelait des ambiances de cuisines, l’hiver, dans les maisons des
années soixante-dix. Je n’ose penser au saccage à venir de ces carreaux de
faïence sous les coups de burin quand le local sera transformé en immeuble de
rapport. Et je revois encore le décor Belle Epoque de la boulangerie-pâtisserie
à deux pas de chez moi, avalé par les réfections des propriétaires successifs.
Les boiseries beiges aux volutes de fleurs rose tyrien, bleu ciel et vert
amande ont été placardées d’un mauvais lambris gris et blanc pour donner à la
boutique une allure d’ersatz de starbuck coffee incongru et triste. Puis,
l’artisan ayant fait faillite, la boutique fut l’objet d’un nouveau massacre.
Mur de fausses briques couleur sienne en vis-à-vis de murs bleu outremer. La
façade seule garderait un soupçon de son antique noblesse avec ses panneaux et
sa devanture de bois, n’était la lasure teintée cire d’abeille qui a eu raison
du vieux rose délavé d’antan et qui s’est trouvée un jour affublée d’un B incongru,
peint à la main pour escamoter le P de pétrine parce qu’un concurrent
quelque quatre cent mètres plus bas a planté sa boutique, énième clone d’une
chaîne de magasins bien connue et qu’il n’est point nécessaire de nommer
ici.
La
semaine dernière, l’association Ecrivains des Hauts-de-France se réunissait
dans un des salons de la célèbre pâtisserie Meert, à Lille. Si la maison doit
sa renommée à sa gaufre fourrée d’une ganache à la vanille de Madagascar, elle
la doit tout autant à la magnificence des lieux. La boutique, née en 1607, fut
d’abord celle d’une dynastie d’apothicaires-épiciers, qui, en 1677, put
développer son activité en boulangerie-pâtisserie. L’endroit est un délice pour
les yeux. Le seul magasin, j’aime à dire en plaisantant, où l’on se réjouit de
faire la queue avant d’être servi ! Une plongée en plein XVIIIème
siècle dans un étonnant décor pompéien et orientaliste, à une époque où l’on
s’extasiait de découvrir le thé, le café et le chocolat. Ces breuvages et
délicatesses du palais arrivaient d’Orient ou du Nouveau Monde sur des
caravelles. Le magasin se dota alors d’un salon de thé, dans le style Louis
XVI, puis d’un deuxième salon, dans les années 1930. Aujourd’hui, plus que
jamais, on pousse la porte de la maison Meert autant pour la joie de voyager
dans le temps que celle de déguster leurs pâtisseries. Et la beauté des lieux
n’a rien à envier à celle des célèbres cafés viennois. L’atmosphère, toute en
nuances, y est toutefois différente. À chacun son Histoire et ses illustres
fantômes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire