vendredi 24 septembre 2021

Rituel d'écriture

 

        


        Avez-vous un rituel d’écriture ? Une question souvent posée aux auteurs. Et qui en dit long sur l’espèce de sacralité dont on crédite fréquemment les écrivains. Si l’écriture grignote le sommeil des uns dès potron-minet ou des autres à une heure avancée de la nuit, des pages noircies rivalisent avec le farniente des vacances ou du week-end.

                Pour moi, l’écriture ne connaît pas les heures du bureau ni les insomnies obligées. L’écriture n’a pas de saison, mais se complaît dans les après-midis hivernales et les matinées estivales.  Parfois quotidienne, ou du moins régulière, durant les vacances, elle se fait plus chaotique le reste de l’année. La rédaction d’un roman ne me catapulte pas dans un monde hors-scène, ; ma petite planète personnelle, terre-à-terre, continue de tourner autour de nécessités primaires, utilitaires, élémentaires, affectives, spirituelles, nourricières, conviviales ou futiles. L’écriture de mes propres mots le dispute aussi au besoin impérieux de croquer les mots des autres. Pas une journée sans lecture ! Outre ces paramètres, chaque livre ne s’écrit pas de la même façon. Et tout dépend aussi de l’avancée du travail. Un nouveau texte peut démarrer comme une voiture de course puis prendre un rythme de croisière, connaître des pannes aussi. Je crois bien ne pas avoir écrit deux livres suivant un déroulé pérenne. Même si des contraintes récurrentes m’ont formatée, les années passant : ne pas lâcher prise si une phrase ou une idée me résiste, ne pas surestimer le première jet, résister à l’appel du grand air au soleil si je me suis décidée à écrire, accepter une vie souvent recluse et savourer la solitude comme créatrice, ne pas se laisser abattre par les refus des éditeurs et toujours remettre l’ouvrage sur l’enclume ou l’atelier, rester discrète sur un travail en cours, faire fi du dédain des gens sans passion. L’écriture est une école de discipline et de patience, à l’égal de ce que quarante et quelques années de pratique de la danse classique m’enseignent encore aujourd’hui.

samedi 18 septembre 2021

Rentrée littéraire

    

     

                                   

       L’expression « rentrée littéraire », tour à tour, m’exalte et m’agace. La perspective de dénicher de nouvelles pépites ou de lire le dernier opus d’un auteur aimé est toujours exacerbée en septembre quand une profusion de livres garnit les étals des libraires. Et pourtant je reste toujours perplexe sur les chiffres au compteur :  bon an mal an, quelque 500 romans paraissent à la rentrée. Des têtes d’affiche qui, d’entrée de jeu, vont faire de l’ombre à des auteurs méconnus ou sans notoriété. On le sait, la qualité littéraire d’un livre n’est pas toujours proportionnelle à sa renommée ! J’ai donc souvent un peu de compassion pour ces auteurs qui seront vite emportés dans le tourbillon de l’éphémère. Un livre a si peu de temps pour faire ses preuves en librairie, un auteur n’a toujours pas les codes, du moins pas les contacts, pour siéger à la table du Graal « médiatico- littéraire ». Sans « Sésame, ouvre-toi ! », seul le bouche-à-oreille peut faire espérer aux écrivains inconnus une gloire lentement germée et tardive.

            En ce mois de septembre 2021, pour la première fois, je fais partie officiellement de la sacro-sainte rentrée littéraire, dans la sélection Histoire, puisque mon dernier livre Destins tragiques de princesses figure désormais sur les présentoirs de librairies aux quatre coins de France, de Belgique et de Suisse. Une immense joie pour moi !

samedi 11 septembre 2021

Destins tragiques de princesses

 





            Un grand merci aux éditions Jourdan pour la parution de mon dernier livre Destins tragiques de princesses ! Vous pouvez vous le procurer dans votre librairie préférée, à la Fnac ou sur Amazon. Et n’hésitez pas à visiter le site de l’éditeur :

https://editionsjourdan.com

 

 

mercredi 8 septembre 2021

Patience

 




                L’une des qualités indispensables à ceux et celles qui écrivent est la patience. Un livre prend du temps à écrire. Et être publié un jour est bien souvent l’aboutissement d’un parcours semé de refus. Cela peut prendre des années, d’autant plus quand on commence à écrire très jeune comme moi. Le métier s’apprend sur le tas, la maturité aidant. Bien des auteurs ont connu une expérience analogue à la mienne. Il faut une bonne dose d’opiniâtreté, de courage et un brin de folie pour persévérer. Il faut ravaler ses larmes et sa fierté et ne pas s’exalter sur sa production. Un refus peut être motivé par un texte imparfait, c’est souvent le cas lorsqu’on est encore novice dans l’écriture. Mais les refus ont aussi leurs impératifs commerciaux. Un petit éditeur dont la trésorerie est aléatoire. Un grand éditeur qui ne mise pas sur une plume inconnue. Un manuscrit qui n’est pas tout à fait en phase avec la ligne éditoriale. Un hasard malchanceux de calendrier.

            Au début des années 2000, une petite maison d’édition, en province, avait lancé une collection sympathique : des ouvrages collectifs sous forme de nouvelles articulées autour d’un verbe à l’infinitif. Le texte que je leur avais envoyé avait été retenu.  Quelques mois de patience et l’ouvrage paraîtrait. L’objet livre était beau, les couvertures des titres déjà parus, alléchantes. Fâcheuse désillusion, in fine. Une jeune autrice, leur poulain, rencontrait un succès d’estime avec l’obtention d’un prix national et l’éditeur n’avait qu’une hâte : lancer un nouvel ouvrage sur le champ de courses de la production. L’humble recueil de nouvelles était relégué dans un tiroir, sa parution repoussée aux calendes grecques. Des « scribouilleurs » néophytes comme moi devaient prendre leur mal en patience. Au tiercé de l’édition, le jeune poulain se distingua, changea bientôt d’écurie, la petite maison d’édition, pour des raisons que j’ignore et pour lesquelles je serais restée discrète en ces lignes le cas échéant, mit la clef sous le paillasson et je me retournai alors à la case départ. Quelques années plus tard, nouvelle joie (toutes mes nouvelles sont retenues pour un recueil à mon nom) et nouvelle peine. L’éditrice, âgée, a légué un catalogue de parutions consistant, mais les dures lois du marché de la diffusion-distribution ont eu raison du fils. Troisième galop d’essai. On m’accepte, puis on reporte la date de parution, on sort entre temps le livre d’un ami de l’éditeur. Mon tour viendra ; je cultive la patience et la bienveillance à l’égard de mon sympathique éditeur. Les mois défilent. Et le hasard me conduit à découvrir une nouvelle maison d’édition. Elle n’a que trois ou quatre ouvrages à son catalogue. Les livres – couverture, papier et reliure – sont de qualité. L’éditeur est dynamique et ambitieux. Il aime mon travail. Et c’est ainsi qu’est sorti en 2010 le recueil de nouvelles Les souvenirs n’encombrent pas les placards. Mes premiers pas dans le monde des auteurs publiés à compte d’édition ! Des joies, des rencontres, des salons, des ventes honorables, compte tenu de la modestie de la maison et une bonne dose d’humilité et de lucidité à mon actif car cette première publication n’est pas un aboutissement en soi mais le commencement d’un travail toujours remis sur l’établi. La passion de l’écriture s’entretient, se charge d’abnégation, de patience (maître mot), en amont avec la rédaction des textes, en aval par les contacts avec les éditeurs.

            Onze ans plus tard, à la parution de mon cinquième livre, je mesure le chemin parcouru et je ne perds pas de vue que je suis toujours en route et que je n’aurai rien sans travail.

samedi 4 septembre 2021

Les salons du livre 2/2

 

 (Salon du livre Compiègne 2017)



                L’effervescence des grands salons ou festivals du livre n’enlève rien au charme que je peux trouver à fréquenter de petits salons, dussé-je, je l’avoue, m’y ennuyer parfois durant ces journées interminables où le visiteur peut se faire rare et plein de circonspection quand il s’agit de délier les cordons de sa bourse. D’aucuns viennent se promener, tromper leur ennui sans se sentir titillés par une once de curiosité, leur regard glisse, nos têtes sont parfois dévisagées, un compliment nous est jeté du bout des lèvres mais nos livres ne seront pas feuilletés. L’univers du livre impressionne, intimide. On n’a pas pris d’argent, s’excusent certains.

                 Et pourtant, défendons l’existence de ces petits salons communaux. Ils ont le mérite d’amener un public qui n’entre pas du tout ou très peu dans les librairies. Si les uns viennent s’y promener pour voir, quelques-uns ont un coup de cœur pour un roman ou un recueil de poèmes. C’est une histoire de séduction, non pas au sens mercantile, mais une vibration qui est passée entre un auteur et son auditeur. Et ce dernier de débourser quinze ou vingt euros, une somme pas négligeable, pour un livre qui sera lu, conservé pieusement à côté des quelques ouvrages achetés les années précédentes, au même salon. Ces rencontres-là me touchent particulièrement. J’aime aussi les visiteurs aguerris, notables du bourg, comme les professeurs des écoles les bras chargés d’albums pour enfants ou les bibliothécaires bénévoles de la commune qui prospectent et passent commande, mais également des lecteurs fidèles qui retrouvent avec joie des auteurs rencontrés lors des précédentes manifestations.

                C ’est qu’il y a toujours des habitués, écrivains locaux ou ratisseurs de salons tous azimuts. Les rencontres ne manquent pas de sel parfois du côté même des auteurs invités. Je devrais dire artistes car des illustrateurs, des calligraphes ont aussi leur stand, pour le plus grand plaisir des yeux. Si la plupart des auteurs sont sympathiques (et leur capital sympathie est souvent proportionnel à leur ego modéré), se glisse parfois un prétentieux du clavier, défendant son pré carré, louchant sur ses confrères et plutôt taiseux. C’est toutefois le plus souvent dans une parfaite convivialité que se nouent les échanges, que se glissent des confidences sur les maisons d’édition, discussions de voisinage d’un stand à l’autre aux heures d’attente morose ou à la table à laquelle nous convient la communauté de communes ou l’association culturelle de promotion du salon. Sympathique couscous fait maison – fait mairie, devrais-je dire – ou plateau-repas froid. Les sujets évoqués restent souvent superficiels, effleurés avec prudence. Cela demande un peu de tact car si le vocable d’auteur ou d’écrivain nous rassemble tous en un même lieu, nos trajectoires peuvent être très différentes, tant dans notre rapport aux mots (notre assise de lecteur, nos études, notre travail d’écriture) que dans nos succès ou malchances éditoriales. L’expérience m’a appris à refouler la tentation de la condescendance et à voir avant tout devant moi un homme ou une femme aimant les mots au point de s’être donné le mal d’en faire un livre, fût-il bon ou médiocre, et de le défendre.



dimanche 29 août 2021

Salons du livre 1/2


(Salon du livre Le Mans 2010)
 


                Du printemps à l’automne, les salons du livre foisonnent. Lectrice boulimique, j’ai, avant d’être publiée, arpenté maintes fois leurs allées. Y être invitée en tant qu’auteur, c’est une expérience toute autre. Les premières fois, on se sent grisé, notre ego joue au yoyo, on tremble un peu quand on fait sa première dédicace, on coche sur un petit carnet un bâton par livre vendu, on balbutie un argumentaire maladroit au flâneur qui vous écoute poliment, on apprend à attendre, on a trop chaud ou trop froid, on se promène devant les stands avec son badge « auteur », on côtoie discrètement des écrivains connus, on croque des petits fours avec le staff et des élus, on rougit d’un compliment, on serre les dents quand une visiteuse dédaigne vos ouvrages et vous abreuve d’un : « Moi, je viens pour les vrais écrivains ! »

                Sitôt la publication de mon premier livre, Les Souvenirs n’encombrent pas les placards, en 2010, j’ai pu, grâce au dynamisme de mon éditeur, participer à plusieurs salons, grands ou petits.  Notamment Bruxelles, Le Mans, Bordeaux. Je me souviens d’un voisin de stand, auteur octogénaire, publié par une maison d’éditions du sud-ouest. Il avait le discours bien rôdé, un bagout attachant et raflait les signatures. « Vous savez, les livres ça se vend comme des cravates ! » me confia-t-il. Il avait à peine refermé son stylo qu’un lecteur potentiel approchait. Véritable Zébulon, il sautait de sa chaise, se hissait d’une main au piquet soutenant le panneau du stand et débitait son laïus. Comme s’il tirait les cartes : trèfle pour tel roman, as de pique pour un autre. En quelques envolées lyriques, on naviguait en haute mer ou on rejoignait une ferme périgourdine. Et cela s’achevait en apothéose par un voyage au long cours ou des amours campagnardes dûment dédicacés. Le salon du livre de Bordeaux avait été pour moi un festival de joies. Ventes plus qu’honorables, soleil, fontaines à vin sur le site, réception raffinée et accueil bienveillant d’Alain Juppé.

                Au Mans, je me souviens de conversations touchantes avec des visiteurs et d’un dîner aux couleurs du Mexique, pays invité d’honneur. À Bondues, d’un déjeuner concocté par l’école hôtelière du Touquet. Plaisir de lire, plaisir de la rencontre, plaisir de la bonne chère. Alexandre Dumas disait d’ailleurs que les hommes de lettres « habitués à toutes les délicatesses, […] savent apprécier mieux que personne celles de la table. » Mais que ces anecdotes ne cachent pas des réalités plus ordinaires : entre deux signatures, les écrivains – quand ils n’ont pas de notoriété – avalent souvent un sandwich devant leurs piles de livres.

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