Du
printemps à l’automne, les salons du livre foisonnent. Lectrice boulimique,
j’ai, avant d’être publiée, arpenté maintes fois leurs allées. Y être invitée
en tant qu’auteur, c’est une expérience toute autre. Les premières fois, on se sent
grisé, notre ego joue au yoyo, on tremble un peu quand on fait sa première
dédicace, on coche sur un petit carnet un bâton par livre vendu, on balbutie un argumentaire maladroit au
flâneur qui vous écoute poliment, on apprend à attendre, on a trop chaud ou
trop froid, on se promène devant les stands avec son badge
« auteur », on côtoie discrètement des écrivains connus, on croque
des petits fours avec le staff et des élus, on rougit d’un compliment, on serre
les dents quand une visiteuse dédaigne vos ouvrages et vous abreuve d’un :
« Moi, je viens pour les vrais écrivains ! »
Sitôt
la publication de mon premier livre, Les Souvenirs n’encombrent pas les
placards, en 2010, j’ai pu, grâce au dynamisme de mon éditeur, participer à
plusieurs salons, grands ou petits. Notamment
Bruxelles, Le Mans, Bordeaux. Je me souviens d’un voisin de stand, auteur
octogénaire, publié par une maison d’éditions du sud-ouest. Il avait le
discours bien rôdé, un bagout attachant et raflait les signatures. « Vous
savez, les livres ça se vend comme des cravates ! » me
confia-t-il. Il avait à peine refermé son stylo qu’un
lecteur potentiel approchait. Véritable Zébulon, il sautait de sa chaise, se
hissait d’une main au piquet soutenant le panneau du stand et débitait son
laïus. Comme s’il tirait les cartes : trèfle pour tel roman, as de pique
pour un autre. En quelques envolées lyriques, on naviguait en haute mer ou on rejoignait
une ferme périgourdine. Et cela s’achevait en apothéose par un voyage au long
cours ou des amours campagnardes dûment dédicacés. Le salon du livre de
Bordeaux avait été pour moi un festival de joies. Ventes plus qu’honorables, soleil, fontaines
à vin sur le site, réception raffinée et accueil bienveillant d’Alain Juppé.
Au
Mans, je me souviens de conversations touchantes avec des visiteurs et d’un
dîner aux couleurs du Mexique, pays invité d’honneur. À Bondues, d’un déjeuner
concocté par l’école hôtelière du Touquet. Plaisir de lire, plaisir de la
rencontre, plaisir de la bonne chère. Alexandre Dumas disait d’ailleurs que les
hommes de lettres « habitués à toutes les délicatesses, […] savent
apprécier mieux que personne celles de la table. » Mais que ces anecdotes
ne cachent pas des réalités plus ordinaires : entre deux signatures, les
écrivains – quand ils n’ont pas de notoriété – avalent souvent un sandwich
devant leurs piles de livres.
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