L’effervescence des grands
salons ou festivals du livre n’enlève rien au charme que je peux trouver à
fréquenter de petits salons, dussé-je, je l’avoue, m’y ennuyer parfois durant
ces journées interminables où le visiteur peut se faire rare et plein de
circonspection quand il s’agit de délier les cordons de sa bourse. D’aucuns
viennent se promener, tromper leur ennui sans se sentir titillés par une once
de curiosité, leur regard glisse, nos têtes sont parfois dévisagées, un
compliment nous est jeté du bout des lèvres mais nos livres ne seront pas
feuilletés. L’univers du livre impressionne, intimide. On n’a pas pris
d’argent, s’excusent certains.
Et pourtant, défendons l’existence de ces
petits salons communaux. Ils ont le mérite d’amener un public qui n’entre pas du
tout ou très peu dans les librairies. Si les uns viennent s’y promener pour
voir, quelques-uns ont un coup de cœur pour un roman ou un recueil de poèmes.
C’est une histoire de séduction, non pas au sens mercantile, mais une vibration
qui est passée entre un auteur et son auditeur. Et ce dernier de débourser
quinze ou vingt euros, une somme pas négligeable, pour un livre qui sera lu,
conservé pieusement à côté des quelques ouvrages achetés les années précédentes,
au même salon. Ces rencontres-là me touchent particulièrement. J’aime aussi les
visiteurs aguerris, notables du bourg, comme les professeurs des écoles les
bras chargés d’albums pour enfants ou les bibliothécaires bénévoles de la
commune qui prospectent et passent commande, mais également des lecteurs
fidèles qui retrouvent avec joie des auteurs rencontrés lors des précédentes
manifestations.
C ’est qu’il y a toujours des
habitués, écrivains locaux ou ratisseurs de salons tous azimuts. Les rencontres
ne manquent pas de sel parfois du côté même des auteurs invités. Je devrais
dire artistes car des illustrateurs, des calligraphes ont aussi leur stand,
pour le plus grand plaisir des yeux. Si la plupart des auteurs sont
sympathiques (et leur capital sympathie est souvent proportionnel à leur ego
modéré), se glisse parfois un prétentieux du clavier, défendant son pré carré,
louchant sur ses confrères et plutôt taiseux. C’est toutefois le plus souvent
dans une parfaite convivialité que se nouent les échanges, que se glissent des
confidences sur les maisons d’édition, discussions de voisinage d’un stand à
l’autre aux heures d’attente morose ou à la table à laquelle nous convient la
communauté de communes ou l’association culturelle de promotion du salon. Sympathique
couscous fait maison – fait mairie, devrais-je dire – ou plateau-repas froid. Les
sujets évoqués restent souvent superficiels, effleurés avec prudence. Cela
demande un peu de tact car si le vocable d’auteur ou d’écrivain nous rassemble
tous en un même lieu, nos trajectoires peuvent être très différentes, tant dans
notre rapport aux mots (notre assise de lecteur, nos études, notre travail
d’écriture) que dans nos succès ou malchances éditoriales. L’expérience m’a
appris à refouler la tentation de la condescendance et à voir avant tout devant
moi un homme ou une femme aimant les mots au point de s’être donné le mal d’en
faire un livre, fût-il bon ou médiocre, et de le défendre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire