mercredi 16 février 2022

Ecrire quand il pleut

 



            J’entendais, il y a peu, à la radio, Patrick Chamoiseau dire qu’il aimait écrire quand il pleut. Les pluies denses et drues des Caraïbes caracolent sur les toits de tôle des maisons modestes. Je me souviens de ces grondements sourds pour les avoir entendus lors d’un séjour en Martinique. Leur bruit caractéristique berce l’endormissement des enfants de là-bas, dit Chamoiseau.

             La pluie sied à l’exercice solitaire de l’écriture car elle pimente le silence. Elle ne l’annule pas ; son staccato régulier semble au contraire densifier l’impression de silence et de quiétude. La pluie, dehors, accentue le sentiment de confort de celui qui est dedans. Et la clarté amoindrie en plein jour est compensée par le halo ambré de la lampe du bureau qui circonscrit le bureau. Cette impression de cocon est d’autant plus douce lorsqu’on écrit sur le papier. La présence de l’ordinateur avec sa lumière crue sur l’écran ne rend pas si intensément cette atmosphère.

            J’ai longtemps écrit uniquement à la main et, sans que cela ne fût un rituel, je privilégiais volontiers les heures matinales ou crépusculaires, quand la lampe nimbe la table de travail. De là sans doute aussi ma joie à écrire quand il pleut. Pour jouir de ce contraste d’ombre et de clarté. Pour savourer la partition des gouttes sur le toit. Si l’ordinateur ôte aujourd’hui cette poésie-là à mon environnement, il me reste tout de même, de façon plus diffuse, ce sentiment de sérénité. La pluie, tout comme la neige d’ailleurs, est complice de l’écriture. Le chat qui dort aux côtés de l’écrivain, également. Mais des auteurs préfèrent le vent tourmenté d’un bord de mer. Je pense en écrivant ces lignes à la maison qu'avait John le Carré en Cornouailles. À Herbjørg Wassmö qui vit sur une petite île battue par les vents au nord du cercle polaire.

dimanche 6 février 2022

Grande lectrice

 





   


            Selon une étude sociologique sur la pratique de la lecture en France, «[…] on définit les forts lecteurs à partir du seuil de 25 livres par an. » (Olivier DONNAT, Les pratiques culturelles des Français, éditions La découverte 2008). J’ai en mémoire d’avoir lu un jour que le chiffre était bien au-dessus de 25 une ou deux générations plus tôt. Mais je ne peux en dire plus, faute de sources précises. Toujours est-il que je suis une bien grande lectrice, avec 35 à 40 livres par an à mon actif. Le luxe d’une oisive ? Un bon sens de l’organisation ? Une passion dévorante ? Une nécessité vitale ? Ce n’est pas faux dans la mesure où mon métier d’enseignante m’accorde beaucoup de vacances et la possibilité de travailler à temps partiel. Mais passion insatiable, c’est vrai aussi !  Et en combien de temps lit-on un livre ? Un recueil de poésie n’est pas le Guerre et Paix de Tolstoï. Certains romans contemporains se lisent entre deux ou trois heures.

            Dès mes années d’étude, j’ai, avec plus ou moins de régularité, noté sur des carnets le titre des livres que je lisais. Avant de commencer à tenir un cahier de lectrice, un jour de février 2005, où je chroniquai Mendelssohn est sur le toit de Jiri WEIL. Depuis, les cahiers se sont multipliés, scrupuleusement annotés ou réduits au référencement du livre avec une critique concise, faute de temps. Des coups de cœur, des coups de gueule, des avis mitigés. Et les titres des livres que j’achète ainsi que la date de l’achat. Écrits au stylo rose. Titres qui font carrément une liste quand j’ai fait une razzia chez un libraire, un bouquiniste ou chez Emmaüs.

            Impossible et inenvisageable de tenir, à travers ce blog, le référencement de toutes mes chroniques. Des bloggeurs sont d’excellents chroniqueurs de leurs lectures et certains blogs sont des pépites. À chacun son talent et ses envies. Mais l’idée m’est venue, en feuilletant les quatre derniers cahiers tenus (de décembre 2015 à aujourd’hui) de noter, un peu au hasard, quelques titres, tout simplement parce qu’ils sont beaux. D’en faire une liste comme un poème. Même si quelques-uns de ces livres, en dépit de leur titre sympathique, n’ont pas remporté mon adhésion totale. Qu’il reste simplement la beauté de ces quelques mots sur leur couverture.

            Fugue d’hiver

            Le peintre d’éventail

            À travers les champs bleus

            L’envol du héron

            La pluie avant qu’elle tombe

            Mon compagnon des songes

            Pierre de lune

            Pelote des jours

            Une odeur de gingembre

            À la lumière d’hiver

            Les bateaux de papier

            Una Voce poco fa

            Fais danser la poussière

            Le passeur de lumière

            Petit bouton de nacre

            La petite sonneuse de cloches

            Ô nuit ô mes yeux

            Un peu de bleu dans le paysage

            Mélodie du temps ordinaire

 

 

Auteurs : 1 Ketil BJØRNSTAD ; 2 Hubert HADDAD ; 3 Claire KEEGAN ; 4 Katharina HAGENA; 5 Jonathan COE ; 6 Henri BOSCO 7 Wilkie COLLINS ; 8 Germain REHLINGER ; 9 Oswald WYND ; 10 Philippe JACCOTTET ; 11 Florence RIDE ; 12 Sandrine WILLEMS ; 13 Marie DÔ ; 14 Bertrand TIRTIAUX ; 15 Ella BALAERT ; 16 Jérôme ATTAL ; 17 Lamia ZIADÉ ; 18 Pierre BERGOUNIOUX ; 19 Mary Mac GARRY MORRIS

mercredi 2 février 2022

Chandeleur

 



                                     Source Internet



L’enfance est ronde et chaude

Lucernaire porteur de promesses

Comme une crêpe de la Chandeleur

                                      

              L'Engrangeoir, Editions La Chouette Imprévue (page 57)

 

 

 


samedi 29 janvier 2022

Bouquinistes

 




    Pousser la porte d’une librairie est promesse de sérénité et de découvertes. Mais musarder chez un bouquiniste offre un plaisir tout autre. Les boutiques de bouquinistes n’ont jamais cette image commerciale proprette et obligée de la plupart des librairies. Les étagères sont parfois bricolées, un peu de guingois, hétéroclites. Poussiéreuses, ça arrive. Les livres, classés par ordre alphabétique ou thématique – quand le libraire s’en est donné la peine –, se côtoient, grands ou petits, anciens ou récents. On furète sans idée préconçue ou l’on part à la chasse dans l’espoir d’y dénicher un auteur aimé, un titre espéré. Le patriarche connaît sa progéniture, la bichonne, la réprimande d’une pichenette du doigt si l’indiscipliné sort du rang. Il peut s’enorgueillir de la reliure des uns, de la rareté des autres. Discrète concurrence avec le libraire spécialisé en bibliophilie. Bien souvent le propriétaire des lieux, à défaut de pouvoir pousser les murs – à croire que les livres croissent comme la folle avoine sur le bord des chemins ! – renoue avec ses jeux d’enfant. Il n’échafaude plus guère des pyramides de Lego mais des tours de Babel de livres. Les volumes grignotent les marches de l’escalier, quand – ô bonheur pour le visiteur ! – il y a un étage. Une rangée de livres sur l’étagère peut en cacher une autre. Des piles s’amoncellent sur le bureau ou la table en bois qui tient lieu de caisse. Les flâneurs avertis ont, au fil de leurs pérégrinations en de tels lieux, acquis un sens du louvoiement, je dirais même de l’ondoiement, un déhanché qui fait fi de l’équilibre instable d’une colonne d’ouvrages. Le lecteur passionné pratique les demi-pointes de la danseuse, posture utile pour atteindre l’ultime étagère, quand le tabouret ne vient pas à la rescousse. D’aucuns savent aussi qu’il faut, parfois, ne pas avoir peur de se salir les mains. Ah comme les vieux livres aiment la poussière ! À moins que la poussière n’ait une affection particulière pour le papier. 

    Et les livres, ce n’est pas tout. Chez un bouquiniste, il peut y avoir aussi une atmosphère pénétrante. Une odeur de renfermé ou de vieux cuir. Une lumière chiche. Des murs défraîchis.  Les livres ont quelquefois des colocataires. Un vrai inventaire à la Prévert : chat, chien, poisson rouge (Des vrais ! Pas à vendre !), insignes militaires, menus de mariage, cartes pieuses de communiant, boîtes à cachous ou pastilles vichy en fer rouillées, tableaux d’artistes du dimanche, pièces d’un sou avec leur trou au milieu, billes d’agate ou de terre, portemines et encriers, lettres d’amoureux qui auraient cent cinquante ans s’ils s’écrivaient encore, cartes postales sépia biffées à l’encre violette, calendriers d’antan.

            Dans mes escapades à travers la France, j’ai découvert des lieux inoubliables. Comment ne pas vous parler de la rue Saint-Jean à Lyon et de deux bouquinistes dissemblables au possible ? Chez l’un, le sol est doux pour feutrer les pas, les livres sont savamment rangés : la Blanche de Gallimard court sur les étagères, des livres reliés, comme dans les bibliothèques de châteaux, déclinent leurs nuances de cuir bronze ou fauve. Un fond impressionnant de romans, de poésie, d’histoire et philosophie convie l’amateur éclairé. Nos achats échoient sur un bureau de ministre en beau bois. Et chez l’autre, dans une boutique étroite, on escalade des piles de livres, amoncelés au sol sans logique, retournés, détroussés et rejetés, on exhume un cadavre d’araignée sur la tranche d’un volume quand on ne dérange pas une de ses congénères vaquant sur l’étagère de ses pattes véloces. On peut se faire oublier là, le maître des lieux a de toute façon bien vite remis le nez dans sa lecture.

            Impossible de vous décrire l’antre d’un certain bouquiniste de Limoges. C’est un dédale d’étagères. Deux maisons rassemblées qu’une courette couverte relie et au milieu de laquelle un arbre épargné déploie son feuillage au-dessus du toit de tôle percé.

            Je pourrais vous parler aussi d’un des bouquinistes d’Amiens dont les velléités d’offrir un coin tea time ont trop vite été arrêtées par l’invasion de livres sur les fauteuils jusqu’à plus soif.

           


 Et je ne vous laisserai pas partir sans vous inviter à passer la porte d’un bouquiniste sur les terres de Colette, à Saint-Sauveur-en-Puisaye. Véritable caverne d’Ali Baba pour les lecteurs boulimiques ou les chineurs (La cour est une brocante). Aux étages, les portes s’ouvrent sur les chambres d’une vieille maison de famille remplies d’étagères d’albums et d’ouvrages ; le papier peint suranné garde encore des lambeaux de rêves et de sommeil, des peluches rangées sur les bibliothèques attendent le retour d’un enfant. Point de livres dans la salle de bain mais on y trouverait presque les bigoudis de Grand-mère au coin du lavabo. 


vendredi 21 janvier 2022

Mes princesses font parler d'elles

 

   




       Mes princesses font parler d’elles dans l’hexagone et en Belgique ! Outre l’invitation que j’ai reçue du journaliste Thomas de Bergeyck pour participer à l’émission Place Royale sur Bel RTL à l’automne dernier (novembre 2021), plusieurs revues et journaux ont fait une recension de Destins tragiques de princesses. Merci à la revue Royaliste (8 novembre 2021), à la revue Codex (janvier 2022) et au journal belge Soirmag (11 janvier 2022).




dimanche 2 janvier 2022

Gratitudes et bons voeux

 

    La porte s’est refermée sur 2021 et nous faisons tout juste quelques pas dans le hall d’entrée de 2022. Quelques instants encore pour les gratitudes et le temps qui suit pour les vœux.

Merci pour mes éditeurs, Jourdan et la Chouette Imprévue, qui ont donné du temps, de la créativité et de l’argent pour que mon travail d’écriture devienne un livre.

Merci à Laurent B. qui m’a donné des cours d’informatique et m’a aidée à concevoir ce blog.

Merci à tous ceux qui accueillent avec enthousiasme mes travaux d’écriture, à ceux qui me lisent.

Merci à ceux qui, en dépit de notre époque morose, nous ont ouvert leurs portes et ont dressé leur table. Tablées familiales ou amicales. Déjeuners monastiques. Apéros impromptus.

Merci à nos églises qui se sont réouvertes et à nos prêtres qui nous accompagnent dans nos joies et nos peines.

Merci à mon boulanger pour son bon pain et ses pâtisseries.  Merci à ces travailleurs de l’ombre – agriculteurs, maraîchers, bouchers, pêcheurs – qui nous nourrissent.

Merci à nos soignants pour qui le feu du virus n’est pas encore éteint et dont le dévouement n’est pas toujours reconnu.

Merci à ces hommes et ces femmes qu’on croise au quotidien, dans notre travail, dans la rue ou dans nos loisirs et qui ont le petit geste attentif ou la parole qui réchauffe.

Merci à mes élèves pour leur curiosité, leur candeur désarmante, leurs élans de sympathie spontanés qui savent faire oublier les difficultés du métier d’enseignant.

Merci aux Français qui lisent, envers et contre tout, et qui ont permis une nette embellie du marché du livre en 2021.

Merci à tous mes lecteurs assidus ou occasionnels de ce blog, lecteurs de France, des Etats-Unis, de Belgique, du Royaume-Uni ou d’ailleurs.

À vous tous, une très belle année 2022: santé, joie, paix, sérénité.  

 



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