vendredi 8 avril 2022

Lectures à semer

 

            



          

            Le président Emmanuel Macron a fait de la lecture une grande cause nationale. Initiative louable et qui s’est notamment concrétisée par les chèques culture distribués aux adolescents. Mais les Français n’ont pas attendu leur président pour semer la lecture en toutes saisons et en tous lieux. Des initiatives privées ou institutionnelles sont pléthoriques dans notre hexagone. Lire à voix haute des extraits de romans, des poèmes ou des nouvelles est une semaison agréable, féconde et chaleureuse. Elle met les mots en bouche, les fait vivre. Elle rassemble les hommes, elle colore un lieu anonyme ou impersonnel.  

            Chaque mois de mars, depuis 1999, le Printemps des Poètes offre des lectures de poésie à foison, à l’initiative de maisons d’éditions, de communes. Des lecteurs anonymes ou professionnels, des comédiens, les auteurs eux-mêmes lisent des vers dans des halls de gare, dans des théâtres, des hôpitaux, des écoles. C’est dans le cadre du festival Rayon vers, éclos lors du Printemps des Poètes cette année, que j’ai eu l’occasion de lire quelques pages de L’Engrangeoir dans une résidence pour seniors avec un accompagnement musical. (Ce type d’établissement propose des appartements en location à des personnes âgées et autonomes qui bénéficient d’une vie sociale partagée et accompagnée. Une salle de restauration, une chambre d’hôte pour la famille, une salle d’activités et un personnel assure ces liens de vie commune.) Ce jour-là, avaient été conviés également des résidents d’un foyer de vie. Ce fut un beau moment de convivialité et d’émotions partagées.

            La lecture à voix haute essaime aussi bien sûr dans les bibliothèques. Une pratique évidente aujourd’hui, mais qui ne l’a pas toujours été. On a longtemps réservé la lecture orale à des bibliothécaires s’adressant aux enfants. Dans notre moisson de lectures orales, nous pensons évidemment à la formidable initiative de François Busnel avec son concours de lecture pour les collégiens et lycéens Si on lisait à voix haute.

            D’autres projets sont devenus de sympathiques rencontres autour du livre. Créé par le Conseil régional Centre- Val de Loire, les Mille lectures d’hiver propose aux habitants de cette région d’inviter chez eux des voisins, des amis. Le temps d’une veillée hivernale, un lecteur les emmène au gré des mots à la découverte d’un auteur.

            L’association Duo en accord, en Picardie, propose des lectures musicales de poèmes, nourries par une thématique, chez des particuliers, dans des maisons de retraites, des salles des fêtes au profit d’associations caritatives. Au début des années 2000, la Compagnie Paroles buissonnières, entraîne la comédienne Marianne Cantacuzène sur les routes de France et d’Espagne, avec des livres dans sa besace et même une bibliothèque tour de Babel itinérante. En 2005, orchestré par Marianne Cantacuzène et des comédiens de la région d’Amiens, une centaine de lecteurs bénévoles lisent dans son intégralité, jour et nuit, le temps d’un week-end, les milliers de vers de La légende des siècles de Victor Hugo. Un souvenir inoubliable pour la lectrice et l’auditrice que je fus dans cette aventure exceptionnelle, partagée avec quelques collègues et amis.

            Quand la voix d’un lecteur est l’ambassadeur d’un écrivain connu ou inconnu, c’est la grande famille de la littérature qui se déploie, les mots semés font des champs moissonnés et du pain de joie à distribuer. Les mots relient les hommes, dénouent les tensions, apaisent les cœurs blessés, les esprits inquiets, ouvrent des horizons. Il m’est impossible de citer toutes les manifestations de lectures à voix haute en France. Je ne les connais d’ailleurs pas toutes. Certaines ne sont pas médiatisées ; locales, privées, modestes ou ambitieuses, elles sont toutes un coin de pays de cocagne où les mots sont bons à croquer.

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