mercredi 17 juillet 2024

Ecriture et calcul mental

 

                                       Florence, musée de la cathédrale


La Datcha serait-elle délaissée en ce début de vacances ? Ce n’est pourtant pas le temps qui me manque. J’écris. Un sujet, un verbe. Mots magiques ou tyranniques selon l’humeur. Verbe fantasmé pour beaucoup. J’écris est la formule incantatoire, un terme générique pour résumer à lui seul le processus créatif d’un livre. D’une fiction, le plus souvent. On dira moins fréquemment J’écris lorsqu’on rédige une thèse ou un rapport. Le verbe induit aussi une plongée dans un monde à côté de soi – néanmoins en soi ! –, la mise en marche d’un rituel ou du moins d’un labeur au long cours. J’écris est la marque de fabrique d’un écrivain.  Aux yeux d’autrui, une sorte de Ne pas déranger/ Occupé. Pour lui-même, un mantra. J’écris dévore le temps, l’espace, deviendrait vite exclusif si l’on n’y prend garde. Alors, il faut un minimum d’organisation. Levée à six heures, hier, quand la maisonnée dormait encore pour « malaxer la pâte », parce qu’un déjeuner chez des amis était ensuite au programme. J’écris. Dans ma tête, sur un cahier de notes, sur le clavier. Et je calcule. Parce qu’écrire un livre rime parfois avec dresser des dates, un arbre généalogique, compter des âges, croiser des événements. J’ai la calculette à portée de main quand le calcul mental décroche. Sans pour autant « faire concurrence à l’état civil » comme plaisantait Balzac, je fais naître une ou plusieurs familles, je suis l’accoucheuse ou la faucheuse. Et mère d’une grande tribu. 


vendredi 12 juillet 2024

Salon du livre à Hardelot

 




Soleil ou pas, j’espère que les visiteurs seront nombreux au salon du livre d’Hardelot (Pas-de-Calais) dimanche 14 juillet 2024 (de 10h à 18h). Même si mon nom ne figure pas dans la liste des auteurs invités (Il a été oublié. Oups !), je serai bel et bien présente ! 

    

jeudi 4 juillet 2024

Dénicher une pépite

 



L’on mésestime souvent les publications des petites maisons d’édition selon un préjugé bien implanté dans les esprits que la qualité d’un ouvrage serait corrélée à la renommée d’un éditeur. Les grandes maisons ont pourtant à leur catalogue bon nombre de livres insipides. Et de belles pépites passent à côté d’une large diffusion. Ma vie était un fusil chargé[1] est une de ces pépites ! Dans ce récit, au titre énigmatique emprunté à un vers d’Emily Dickinson, Marie Gillet évoque avec une pudeur pas dénuée d’une touche délicate d’humour l’atmosphère familiale pesante et mesquine dans laquelle elle a grandi. Le père, grand lecteur, méprise sa femme qui n’ouvre jamais un livre. Cette mère au foyer pleine de qualités se protège de cette mise au ban sociale et sexiste par une courageuse autodérision.  Petite, Marie tente de trouver sa place et de se faire aimer de son père en se revendiquant lectrice. Lectrice avant même de savoir lire, tout d’abord par une appétence pour les lettres qu’elle pare de significations poétiques : « […] le b, le e et le a s’aimaient d’un amour tendre, ils n’arrêtaient pas de se faire des câlins, étant rarement séparés ; au passage, il était certain que le t et le e étaient mariés. Sans que je sache encore pourquoi, mais j’espérais l’apprendre un jour, le b et le d étaient fâchés puisqu’ils se tournaient le dos […] » (page 64) L’apprentissage de la lecture à l’école comble l’enfant de son goût pour les mots, à défaut de lui accorder la reconnaissance du père et des « siens » (fratrie ? grands-parents paternels ?). De guerre lasse, Marie finit par lire en cachette. Dans Ma vie était un fusil chargé, l’autrice écrit : « Peut-être, du fait de mes fêlures qui sont pour les humains ce que les déchirures sont aux pages des livres, étais-je pour eux comme les livres qu’ils prenaient sur le marché, une enfant d’occasion, pouvant ainsi passer de mains en mains sans risque de détérioration supplémentaire, l’essentiel ayant déjà été détruit […] » (page 61)

Les livres deviennent alors pour Marie une compagnie, et même davantage. Certains livres, de son enfance à sa vie d’adulte, ont joué un rôle salvateur par leur pouvoir de maïeutique. Ils sont arrivés à un moment où elle sombrait et l’ont aidée à comprendre sa vie. Ces livres, elle les nomme « livres-chevaliers », comme ces chevaliers du Moyen-Âge venant sauver les princesses au moment le plus désespéré. Dans son récit, Marie Gillet présente cinq « livres-chevaliers » : Le Journal d’Anne Franck qui lui a permis de prendre conscience que « la vie gagne toujours », Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar, pour oser être soi, Une Année à la campagne de Sue Hubbell, qui lui a dessillé les yeux sur le monde à contempler, Le Silence de la mer de Vercors, où les barbares ne sont pas toujours ceux qu’on croit et Le Comte de Monte-Cristo, en qui Marie Gillet a vu l’image du pardon.

Car ce livre, outre un hymne remarquable aux livres, est aussi un témoignage de résilience et de pardon. Portée par sa foi et nourrie d’Espérance, Marie Gillet a appris, au fil des années, à se libérer de son histoire familiale et pardonner à son père, dit-elle dans une interview : « j’ai reçu une part d’éternité de lui car je suis sa fille. »



[1] Marie GILLET Ma vie était un fusil chargé Comment les livres m’ont sauvé la vie (Les impliqués, 2024)


samedi 15 juin 2024

L'art de la prétérition

 



En ce printemps sans soleil, plein de tempêtes et orages, de pluies torrentielles et inattendues, la datcha manque de lumière. Et la poésie doit jouer des coudes pour se faire une place. En cette période où tout le monde y va de sa petite phrase – micro-trottoir affligeant ou cri du cœur honorable –, où les girouettes se passent des alliances au doigt, où des solidarités de circonstances se bâtissent sur du sable, où la soupe à la grimace se boit à chaque coin de rue, où des charlatans de toutes obédiences proposent des élixirs de bonheur ou de sauve-qui-peut, quelle porte ouvrir à la datcha ?

J’aurais pu vous donner à disserter sur Camus. J’aurais pu brandir l’une des plus belles assertions de l’humanité : « Aimez-vous les uns les autres. » J’aurais pu vous faire une leçon d’histoire sur la crise de 1929. J’aurais pu lancer des fléchettes sur des effigies. J’aurais pu vous prodiguer des conseils de lecture : La Résistible ascension d’Arturo Ui ou Matin brun.

Mais j’ai du travail à la datcha, j’ai le jardin à désherber.


vendredi 7 juin 2024

Avatar dans une boule de cristal

 

                                        Fribourg (Suisse)


Hier matin, j’écoutais d’une oreille distraite France Culture dans ma voiture en me rendant au travail. Il était question d’une application de l’I.A qui permet à ses clients (Je crois me rappeler que l’usage était payant) de se projeter dans une sorte d’avatar pour se voir plus âgé et conceptualiser sa vie à venir. L’expérimentation apportait à ses bénéficiaires le sentiment de mieux maîtriser leur vie actuelle et de cibler la conduite à tenir pour avancer avec sérénité et assurance dans l’avenir. Un adepte de cette Madame Irma d’un nouveau genre venait de découvrir l’inéluctable nécessité de devoir un jour vivre sans ses parents ! D’où le besoin d’apprendre à profiter de leur présence et de leur amour tant qu’il était encore temps. La bêtise humaine se serait-elle à ce point fourvoyée dans le maelstrom des injonctions sociétales, du prêt-à-penser en toc et des encodages informatiques pour que le bon sens élémentaire ait quitté la conscience de certains de mes contemporains ? Je dis bon sens mais je n’ose même pas parler de sentiments. Faut-il être arrivé dans l’hyper technologie de notre vingt-et-unième siècle pour réaliser l’unicité de la chaîne affective des générations et la grâce qui nous est donnée, à nous autres humains, d’avoir conscience de notre place dans la famille, dans la fratrie, dans la cité et sur notre terre. Conscience : savoir avec. Parce qu’on ne connaît qu’avec autrui, que par les autres. Parce qu’on est tous des compagnons, du fait que nous partageons le pain. L’essentiel. La Vie. Faut-il des machines pour apprendre aux hommes qu’ils doivent s’estimer et s’aimer au moment présent ? Sans attendre de vivre de regrets, de souvenirs et de la promesse que nos défunts auront un jour déposé avec leur testament leur avatar chez le notaire afin que nous puissions les sortir du placard un jour de cafard !

En contrepoint de cette machine à illusions, j’ai bien sûr pensé d’emblée aux livres. Cet objet modeste, qui ne paie pas de mine, qui s’écorne, s’abîme, mais qui se glisse dans tous les sacs, se niche dans tous les coins et recoins d’un foyer, qui accompagne nos jours. Les romanciers, les poètes, les historiens, les prophètes, les évangélistes, les saints, les philosophes n’ont pas besoin d’enfoncer une porte ouverte pour nous rappeler l’essentiel sur la vie et la mort, car ils savent, par leurs mots, nous accompagner à mieux vivre avec les nôtres, à mieux aimer, à mieux pardonner, à mieux accepter la vieillesse et notre passage éphémère en ce monde.

 

 


dimanche 2 juin 2024

Muse infidèle

 


                                   Façade médiévale, Dijon




Un poème perdu

Ne se rattrape guère

Le fou du roi grimace

Et s’esquive.

 

2 juin 20024


Archives

Liban, mon bien aimé

Mes consultations