Fribourg (Suisse)
Hier matin, j’écoutais
d’une oreille distraite France Culture dans ma voiture en me rendant au
travail. Il était question d’une application de l’I.A qui permet à ses clients
(Je crois me rappeler que l’usage était payant) de se projeter dans une sorte
d’avatar pour se voir plus âgé et conceptualiser sa vie à venir.
L’expérimentation apportait à ses bénéficiaires le sentiment de mieux maîtriser
leur vie actuelle et de cibler la conduite à tenir pour avancer avec sérénité
et assurance dans l’avenir. Un adepte de cette Madame Irma d’un nouveau genre venait
de découvrir l’inéluctable nécessité de devoir un jour vivre sans ses parents !
D’où le besoin d’apprendre à profiter de leur présence et de leur amour tant
qu’il était encore temps. La bêtise humaine se serait-elle à ce point fourvoyée
dans le maelstrom des injonctions sociétales, du prêt-à-penser en toc et des
encodages informatiques pour que le bon sens élémentaire ait quitté la
conscience de certains de mes contemporains ? Je dis bon sens mais je
n’ose même pas parler de sentiments. Faut-il être arrivé dans l’hyper
technologie de notre vingt-et-unième siècle pour réaliser l’unicité de la
chaîne affective des générations et la grâce qui nous est donnée, à nous autres
humains, d’avoir conscience de notre place dans la famille, dans la fratrie,
dans la cité et sur notre terre. Conscience : savoir avec. Parce qu’on ne
connaît qu’avec autrui, que par les autres. Parce qu’on est tous des
compagnons, du fait que nous partageons le pain. L’essentiel. La Vie. Faut-il
des machines pour apprendre aux hommes qu’ils doivent s’estimer et s’aimer au
moment présent ? Sans attendre de vivre de regrets, de souvenirs et
de la promesse que nos défunts auront un jour déposé avec leur testament leur
avatar chez le notaire afin que nous puissions les sortir du placard un jour de
cafard !
En contrepoint de cette
machine à illusions, j’ai bien sûr pensé d’emblée aux livres. Cet objet
modeste, qui ne paie pas de mine, qui s’écorne, s’abîme, mais qui se glisse
dans tous les sacs, se niche dans tous les coins et recoins d’un foyer, qui
accompagne nos jours. Les romanciers, les poètes, les historiens, les
prophètes, les évangélistes, les saints, les philosophes n’ont pas besoin d’enfoncer une
porte ouverte pour nous rappeler l’essentiel sur la vie et la mort, car ils
savent, par leurs mots, nous accompagner à mieux vivre avec les nôtres, à mieux
aimer, à mieux pardonner, à mieux accepter la vieillesse et notre passage éphémère
en ce monde.
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