mercredi 18 septembre 2024
samedi 7 septembre 2024
Inconnue du grand public
Hier
midi, alors que je quittais le collège, une de mes nouvelles élèves de 3ème
court jusqu’à la barrière et me demande, un peu intimidée : « C’est
vrai, Madame, que vous avez écrit des livres ? » Je ne suis qu’à
moitié surprise et réponds en riant : « Les informations circulent
vite ! Qui te l’a dit ? » Et elle, enchantée de m’informer
qu’elle le tient de Madame D., son orthophoniste, ajoute, une pointe
d’admiration dans la voix : « Alors vous êtes professeur de
français et écrivain ! » J’opine de la tête. « Oui, tu vois,
c’est un peu comme si j’avais deux métiers ». Et je quitte cette
demoiselle, ravie de détenir un scoop sur son enseignante.
Deux
métiers ? Il serait prétentieux de parler de profession d’écrivain en ce
qui me concerne. Mais j’ai simplifié pour l’adolescente. Que pourrait-elle, à
son âge, appréhender de ces nuances ? En montant dans ma voiture, mes
pensées focalisent surtout sur ladite Madame D. Une mère d’élève ? La lectrice
d’un de mes livres ? Comment les a-t-elle découverts ? Par le
bouche-à-oreille ? Un article dans la presse locale ?
Avec, à ce jour, environ 800
exemplaires vendus de Destins tragiques de princesses[1],
je joue toujours dans la cour des petits et reste une inconnue du grand public.
C’est un constat lucide. Que les lecteurs de passage à la Datcha voient
derrière les mots du dépit, de la résignation ou de l’indifférence, peu
importe. Je ne suis quasiment pas « likée » sur les réseaux sociaux.
Le profil de mon lectorat n'a pas le virus du petit cœur ou de l’étoile et je
ne lui en tiens pas rigueur. Alors quand une Madame D. glisse trois mots sur
ma personne, c’est toujours plaisant, je ne le nie pas. Quand une étudiante
passionnée de lecture fait la promotion des Princesses sur son compte
Instagram et que je découvre son charmant commentaire, je suis ravie. Quand le
libraire d’une ville qui n’est pas la mienne me dit avoir vendu une douzaine
d’exemplaires en quelques semaines, j’exulte. Un livre édité mène son bonhomme
de chemin souvent à l’insu de son auteur, même si une cohorte de
« like » sur Facebook et compagnie peut être un indicateur. Il y a fondamentalement une différence entre
un écrivain et un artiste peintre ou sculpteur. Ce dernier cède à l’acheteur un
exemplaire unique, il se dépossède de son œuvre. (Je n’aurai jamais pu être une
artiste ; je suis trop conservatrice !) Parfois, il connaît
l’acheteur ; quasiment toujours, l’intermédiaire et le lieu de la
transaction. Pour l’écrivain, la vente de ses livres garde en partie une part
de mystère. Où les lecteurs se sont-ils procuré l’ouvrage ? Fruit du
hasard, d’une couverture qui leur a fait de l’œil sur l’étal d’un libraire ou
recommandation d’un tiers ? Lecture d’un article élogieux dans la presse
régionale ou nationale ? À la radio. J’avais eu cette belle promotion
pour les Princesses. Je garde une immense gratitude envers le journaliste
Thomas de Bergeyck qui m’avait invitée à son émission Place Royale sur
RTL Belgique à l’automne 2021. Lecteurs de l’ombre, vous avez toute ma
reconnaissance. Et vous mésestimez souvent la solitude de l’auteur ou ses
efforts individuels pour assurer, en sus des médias – quand ils ont le mérite
de le chroniquer, ce qui est déjà un luxe ! – la visibilité de son livre. Bien
sûr, d’aucuns ont davantage de talent ou de bagout pour se mettre en avant. On
touche là un autre point que je ne développerai pas dans ces lignes. Il y a des
semaisons personnelles discrètes ; d’autres tonitruantes ou intrusives.
Mais le travail d’éditeurs impliqués fait aussi beaucoup. Petit clin d’œil en
cette page à mon éditeur La Chouette Imprévue qui fait le job avec passion et
intelligence pour que les amateurs de poésie accueillent mon Engrangeoir[2].
[1] Nathalie
BONIFACE-MERCIER, Destins tragiques de princesses, Editions Jourdan (2021)
[2] Nathalie
BONIFACE-MERCIER, L’Engrangeoir, Editions La Chouette Imprévue (2021)
dimanche 1 septembre 2024
La cloche a sonné
Exposition "Les doigts pleins d'encre", La Chaise-Dieu, été 2024*
Pas d’école sans goûter. Puisque la cloche de la rentrée des classes a sonné, n’oublions pas de glisser une friandise dans le cartable. Ah comme l’attente de la récré est longue ! Le cours n’en finit pas ! (* Toute ressemblance avec un élève inattentif est à chercher dans la classe du maître Robert Doisneau)
« Lorsqu’on demande
autour de soi ce qui vient à l’esprit en entendant le mot « goûter »,
l’interpellé dit d’abord : « Quatre heures. La récréation de quatre
heures. » Même ces enfants qu’il fallait tour à tour supplier et menacer
pour les faire manger sourient. Aussi bien était-ce le seul repas où ils avaient
appétit. […] Quant à moi, j’emportais mon quatre-heures dans un sac de papier
brun décoré d’une coupe de fruits dont les rouges et les jaunes d’être imprimés
sur un fond bistre prenaient une teinte de de fleurs séchées. D’habitude il s’agissait
de pain et d’une bille de chocolat. Dans ces cas-là, je n’y touchais pas avant
l’heure. Mais quand le pain était accompagné d’une bouchée, d’un « rocher »,
la gourmandise me la faisait grignoter, miette par miette, sur le chemin de l’école.
Il me restait le pain sec pour la récréation. […] Les jeux de quatre heures en
étaient plus doux, on s’y disputait moins, les discussions sur les règles
étaient moins âpres. Comment ce que l’on achevait de mâcher en allant à
cloche-pied de la Terre au Ciel n’aurait-il pas eu un goût unique ?
Comment le dessin d’une marelle ne remplirait-il pas la bouche d’un chocolat
sans égal ? »[1]
samedi 24 août 2024
Troisième anniversaire
La datcha célèbre son
troisième anniversaire. Cette année, la porte d’entrée s’est ouverte environ 3500
fois, à raison de quelque 600 visites certains mois. Amis ou hôtes
occasionnels, vous êtes de plus en plus nombreux ou de plus en plus réguliers à
venir vous ressourcer à la datcha. Elle est une maison sans clef, toujours
ouverte. À toute heure, vous pouvez y trouver, sur la table, un bol fumant
comme dans la maison du conte Boucle d’Or et les trois ours. Picorez.
Dégustez. Et n’hésitez pas à convier vos proches.
dimanche 28 juillet 2024
Sur la route des vacances
La datcha ferme ses volets pour l’été.
Valses
d’étés d’ici et d’ailleurs. Villages de vacances traversés dans le ronronnement
d’une Dyane. Pompes à essence ventrues en bord de route, platanes aux bras
larges, carotte du bar-tabac. Des vœux pour les deux-chevaux vertes, des
sourires aux grands-mères en charentaises assises sur un banc et qu’on ne
connaît pas. Ne pas courir après les lézards dans le potager des religieuses.
Ne pas tomber dans les abreuvoirs. Les planchers craquent dans les couloirs des
hôtels.
Nathalie
Boniface-Mercier, L’Engrangeoir, Editions La Chouette Imprévue (2021)
lundi 22 juillet 2024
Une belle initiative
Plus
personne ne lit entend-on geindre régulièrement. Si le secteur du livre connaît
un léger fléchissement depuis une année dopée par le confinement et
l’engouement passager ou confirmé des Français pour la lecture, de belles
initiatives témoignent que le désamour de nos compatriotes pour les livres
n’est pas encore légion. Bien sûr, ce que je vais relater n’offre qu’une vision
partielle d’une réalité générale plus contrastée (et sans doute consternante si
l’on en croit les chiffres de la très sérieuse étude menée par Michel Desmurget[1]).
S’est
créée dans ma ville, au printemps 2023, une librairie solidaire qui permet aux
lecteurs d’acheter des livres, des CD et DVD d’occasion, mais surtout qui offre
des perspectives de réinsertion d’emploi à des personnes. La Bouquinerie du
Sart, implantée dans un quartier résidentiel, touche un public plus vaste que
celui des appartements de standing et beaux pavillons qui la bordent. Le choix
du lieu a d’abord été motivé par la proposition de l’évêché d’Amiens de fournir
un bel espace, avec l’atout d’un parking à proximité. Et l’on vient de la
campagne ou du centre-ville dans cette librairie pas comme les autres. Les
réseaux sociaux ont tissé une publicité pas négligeable. La boutique a, au
départ, constitué le fond de ses ouvrages grâce au partenariat d’une autre
librairie identique, située à Villeneuve-D’ascq, dans le Nord. Quelques bacs de
collecte sont disséminés dans la ville pour que des particuliers puissent y
déposer les livres dont ils se débarrassent. Forte de son succès, et pour
meubler une des salles vides, l’association a très vite mis en place une
friperie. Gageons que les amateurs de vêtements de seconde main flânent aussi
dans les rayonnages de livres.
La
librairie est un havre de tranquillité, aménagée avec goût, avec des recoins de
lecture, un espace pour les tout-petits qui donne l’impression d’être dans une
bibliothèque. Les employés proposent du thé ou du café. Les livres, classés par
thème, sont bien mis en valeur. Les magazines sont glissés dans des bannettes
murales. Dans la salle des DVD et des CD, ces derniers sont classés
par genre.
Plusieurs
fois dans l’année, comme samedi dernier, la Bouquinerie du Sart propose une vente
spéciale avec un choix de livres à 1 euro. Habituée des lieux, mais n’étant
jamais encore venue un jour de braderie, quelle ne fut pas ma surprise de voir
l’affluence ! Il fallait presque jouer des coudes dans la salle des
caisses, là où étaient stockés les livres bradés. Il régnait une atmosphère
détendue, toutes générations confondues, des lecteurs occasionnels cherchant à
remplir leur valise ou de « gros mangeurs » comme moi.
Ma
chasse au trésor fut fructueuse. J’ai déniché une anthologie de poèmes de
Guillevic, publiés dans la collection Blanche de Gallimard, Composition
française de Mona Ozouf, La Mémoire n’en fait qu’à sa tête de
Bernard Pivot, Pense à demain d’Anne-Marie Garat, La couleur bleue
de Jörg Kastner, un polar historique mais aussi un album de photographies, Chats
de Venise, et un petit ouvrage présentant des tableaux de la Galerie
Trétiakov à Moscou (visitée il y a plus de vingt ans). Autres trouvailles
également : Des Impromptus de Schubert joués par Krystian Zimerman,
un album d’Elisabeth Schwarzkopf et un autre de Renée Flemming.
Que
du bonheur !
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Il n’aura pas échappé à mes lecteurs une russophilie patente dans mon blog et qu’il n’est guère dans l’air du temps de l’exposer. Nulle pr...
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Acheter des livres est, pour moi, l’un des plus grands plaisirs de la vie. Une joie toujours renouvelée. À nulle autre pareil...