samedi 8 avril 2023

Au gré des joies et des morosités

 

                                  Résurrection; élément de retable. Albâtre polychrome, 15ème siècle. 
                                  Musée des Beaux-arts de Lille.
                                  


            À la Prévert ou en version patchwork, quelques touches de la semaine écoulée. Au gré des joies et des morosités. Les muscaris foisonnent dans le jardin et les jacinthes sauvages commencent à éclore. C’est un jardin bleu. Mes poétesses en herbe du club poésie, au collège, ont levé le nez dans les nuages ; en vers, avec ou sans rimes, elles ont rassemblé les nuages qui font venir la pluie. Nuages acrobates, royaux, à l’envers, malchanceux ou bienheureux… car la poésie pose du beau sur nos noirceurs, de la fantaisie sur nos angoisses. L’eau, source de vie, est si belle dans la jarre de la Samaritaine au puits. Mais bien laide quand elle fait l’objet de spéculations, quand elle est un dû pour les insouciants du monde ou quand elle est prétexte à des violences déconnectées de toute humanité. Alors, faut-il, parfois, couper le robinet parce que les remous du vaste monde nous enlisent dans un marais putride ? Où trouver l’équilibre entre désintérêt égoïste, indifférence, désaveu et lucidité, indulgence, empathie ? Nous sommes si souvent de bien piètres citoyens et n’avons pas ou plus l’intelligence, le courage et l’audace d’une Sévérine (1855 – 1929), femme de lettres, journaliste et féministe, que j’ai découverte cette semaine par le biais d’une brillante conférence donnée à l’Université de Picardie Jules Verne.

            Quand l’âme souffre trop des blessures du monde, la maison, la datcha, le foyer, le home sweet home, sont-ils les seuls paravents sur nos peines ? Le paravent cache la misère et l’indigne mais n’efface pas ce qu’il soustrait. Il nous faut donc sortir de nos carapaces. S’engager. Si les combats syndicaux s’essoufflent, ont leurs limites, ou parfois leurs dévoiements, où se tourner ? En cette semaine Sainte, posons les armes de nos aigreurs, les boucliers de nos inquiétudes et tournons-nous vers l'Espérance. Mardi soir, lors de la messe chrismale, la cathédrale d’Amiens était pleine à craquer – et il y avait beaucoup de jeunes, d’étudiants ! – ; ce soir, le Feu nouveau sera allumé sur les parvis des églises pour la veillée pascale et les chrétiens se transmettront ces petites flammes en une procession de cierges. Et l’on lira ce texte du prophète Isaïe que j’aime tant :                      

De même que la pluie et la neige descendent des cieux

et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre,

sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer

pour fournir la semence au semeur et le pain à manger,

ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche,

elle ne revient pas vers moi sans effet,

 sans avoir accompli ce que j’ai voulu

et réalisé l’objet de sa mission[1].

Et que ceux qui ne mangent pas de pain-là ou ont une autre religion trouvent la paix dans leur cœur et un espoir pour le monde dans la poésie, dans l’amitié, dans les écrits qui les nourrissent.



[1] Isaïe, 55, 10-11


2 commentaires:

  1. J'aime énormément ce passage du prophète Isaïe aussi. Belle aussi, ta conclusion ! Laure F.

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    1. Merci Laure. Ravie de savoir que tu pousses la porte de ma datcha.

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