Au
seuil des grandes vacances, mon esprit est un méli-mélo de pensées. Se détacher
peu à peu de ces visages et personnalités d’élèves qui ont été mon quotidien
une année scolaire durant dans cette intimité de connivence et petites
tensions. Alors que des images de paysages, de tablées de restaurants ou de
maisons d’amis des étés précédents refont surface en moi et qu’un canevas
d’images des voyages et découvertes à venir se tisse dans la griserie des
envies, se glisse subrepticement un sentiment d’empathie pour quelques-uns de
mes élèves qui ne partiront pas en vacances, ne verront ni la mer ni la
montagne, n’auront peut-être même pas les joies simples d’une partie de pêche
improvisée ou d’une balade à vélo dans la campagne, parce que la toile du web
les retient dans ses filets de faux loisirs.
Au
seuil des grandes vacances, la maison est à ranger, le jardin à désherber. Le
tutu et les chaussons de danse ont rejoint le placard, la scène sous les
projecteurs est déjà loin. Le cartable est vidé, le pot de fin d’année déjà
passé, jamais le même au gré des départs et pourtant toujours semblable avec
notre fatigue lancinante, les couloirs et le réfectoire rendus au silence.
Au
seuil des grandes vacances, des chemins de terre se croisent dans ma tête,
l’impatience de chausser les chaussures de randonnée. Des chemins d’écriture
s’ouvrent à mon cerveau jamais en repos. Reprendre en main la Datcha dont la
porte est toujours restée ouverte pour les nombreux de lecteurs venus picorer,
leur mettre de nouveaux plats sur la table, de nouveaux bouquets dans les
vases. Semer ci et là sur le papier des poèmes. Rouvrir le roman en cours.
Prendre note de projets à venir. Contacter les organisateurs de salons, les
bibliothèques, les libraires pour la promotion de mon recueil de poèmes Origami.
Au
seuil des grandes vacances, savourer l’idée que des recettes à tester pourront
être réalisées. Se sentir pousser des ailes de chef étoilé avant de s’accepter
modeste gâte-sauce devant la casserole.
Au
seuil des vacances, revenir de la campagne après un déjeuner familial et boire
des yeux la lumière estivale de fin d’après-midi sur les champs de blé pas
encore moissonnés et remuer en soi cette bienfaisante satisfaction d’une année
scolaire achevée qui délivre enfin du vague à l’âme du dimanche soir.