samedi 15 mars 2025

Vivre d'eau fraîche et de poésie

 

Dans un article de la revue de poésie Tohu-Bohu consacré à la poétesse Colette Nys-Mazure, celle-ci déclare : « Je persiste à vivrelireécrire en un seul mot. » Je ferais bien mien cet adage – en ajoutant toutefois le verbe danser – mais le quotidien est souvent dévoré par le vivre, dans ce qu’il a de plus prosaïque. Verdict bien sévère, j’en conviens. Faut-il caser mon travail d’enseignante ou les heures de préparation des repas dans la part du prosaïque ? Parfois la routine gâte les nécessités heureuses ou confortables. Un emploi du temps chargé tous azimuts. Retenons toutefois ces trois heures sympathiques passées avec des étudiants du CROUS d’Amiens au cours d’un atelier d’écriture, fin février. « Écrire de la poésie, leur avais-je dit, ce n’est pas faire un Rubik’s cube, c’est plutôt jouer avec un kaléidoscope. La poésie est une infiltration dans le monde, une absorption du monde. Un réel transfiguré. »  Ce fut une très belle rencontre. Assidus déjà à la pratique de l’écriture, d’horizons divers, mes jeunes poètes ont tissé slam et poésie, confidences et anecdotes sur le métier à tisser de leur vie et ont partagé leurs écrits dans leur connivence et bienveillance de groupe soudé, passionné.

Et comme l’art et la poésie font bonne alliance, retenons aussi cette visite du musée d’Amiens sur le thème des femmes, 8 mars oblige, menée par une collègue de lettres classiques familière de ces lieux où elle travaille à temps partiel. Une parenthèse pleine de délicatesse et de beauté.




À l’agenda, salon du livre demain : Bondues. Où je suis heureuse de retourner tant cette manifestation est dynamique. Le salon du livre de Bondues fut l’un des premiers auxquels je participai il y a quinze quand venait de sortir mon recueil de nouvelles, Les souvenirs n’encombrent pas les placards. Les salons sont le verso du travail de l’écrivain. Au recto, les heures d’écriture dans la solitude.

 

samedi 22 février 2025

Kit de lectures pour voir la vie en rose

 





 

[…] mais ce qu’achevait de déclarer cet homme était terriblement vrai, fort comme une gifle : les livres ne parlent jamais assez du bonheur.

 – Et l’ouvrage que vous lisez est-il heureux ? lança-t-elle sans réfléchir.

Frank ANDRIAT Jolie libraire dans la lumière, Editions Desclée de Brouwer poche (2015) Page 23.

         Cela fait un moment que j’ai en tête de donner, dans la Datcha, une liste de livres qui font du bien au moral. Et voilà que le roman commencé hier soir me fait un clin d’œil. Des livres heureux. Quelle belle épithète ! Ne me viennent pas forcément à l’esprit des livres qui traitent tous du bonheur ; d’ailleurs bonheur et littérature ne font pas toujours bon ménage. On nous vend tant de romans médiocres sous le qualificatif de feel good. Certes, la notion de bonheur est subjective. Quelle que soit l’amplitude de votre bonheuromètre ou votre seuil d’acceptation de votre bonheurophagie, quel que soit l’ingrédient qui vous pousse à sourire ou carrément rire, je vous ai concocté une liste (non exhaustive bien sûr !) des livres qui me font du bien au moral, me font rire ou m’apaisent. Des livres doudous ou enclins à activer les zygomatiques. On en a d’autant plus besoin que le climat ambiant international ou hexagonal est bien morose.

Pour rire tout court (ou rire aux larmes, selon propension personnelle)

Smoke Donald WESLAKE

Le vicomte pourfendu Italo CALVINO

Un curé d’enfer et autres racontars Jørn RIEL

Ces dames aux chapeaux verts Germaine ACREMANT

La reine des lectrices Alan BENNETT

Un clafoutis aux tomates cerises Véronique de BURE

Pour s’abreuver de beauté et de mots apaisants, d’atmosphère nostalgique 

L’enfant et la rivière Henri BOSCO

Trésors d’enfance Christian SIGNOL

Les petits bonheurs Bernard CLAVEL

La petite dame en son jardin de Bruges Charles BERTIN

Parfums Philippe CLAUDEL

Mister Mouse ou la métaphysique du terrier Philippe DELERM

Pour combattre la morosité, pour vivre d’énergie et d’espérance 

Aujourd’hui je choisis la joie Christie VANBREMEERSCH

Une vie pour les autres, l’aventure du Père Ceyrac Jérôme CORDELIER

Pour gourmands voyageurs 

Saveurs vagabondes, une année dans le monde France MAYES

 

 

 

 

 


mardi 11 février 2025

Acheter des livres. A quel prix?

 


Les vacances de février ont pour moi ceci de bon : qu’importe la grisaille puisque la lumière du jour repousse la nuit. Les oiseaux pépient modestement, faisant fi du crépuscule. C’est le temps des crêpes, des feux de bois et des lectures derrière une fenêtre baignée de soleil ou sous la lampe, alliée d’un après-midi gris. Une parenthèse tranquille, débarrassée de la fébrilité obligée des fêtes de fin d’année. Février nous offre la lumière de la Chandeleur et tous les quatre ans, au dénouement, un « rappel » avant que le rideau ne tombe. Février est un mois jeune, fougueux, ambitieux mais aussi plein d’humilité et de patience quand il ploie sous les bourrasques, les averses et les gelées. Et qui, au gré du calendrier liturgique, invite à l’entrée en Carême. Mes congés scolaires sont rythmés par les lectures et l’écriture. Les derniers livres des cadeaux de noël, ceux d’un anniversaire immuable dans le prologue de l’année nouvelle et les oubliés qu’on redécouvre au gré d’un rangement du bureau.

Un bouquiniste de ma ville (évoqué à la Datcha dans la chronique du 22 juillet 2024) proposait il y a quelque temps une vente en ligne alléchante : des livres brochés à un euro et des poches à soixante-dix centimes. Ma souris a trottiné de couverture en couverture, prête à mordre au grain puis s’est ravisée. Provisions à peu de frais, certes mais qui ferait vite basculer dans la razzia goulue. On n’achète pas des livres comme on commanderait un lot de chaussettes à la Redoute ! Flâner en librairie ou chez le bouquiniste a autrement plus de charme. Modération, sœur de la sagesse, m’a pris la main et j’ai lâché la souris.

Premier week-end des vacances. Je sors du cours de danse et j’attends l’heure d’aller écouter une conférence. Mes pas me mènent dans une librairie. Coup de cœur pour un titre et une quatrième de couverture, une bouchée grignotée dans une page au hasard. Me voilà riche de deux histoires et auteurs dont j’ignorais tout peu de temps avant. Gourmandise de mots pleins de promesses : La main sur le cœur[1] et La Maison aux sortilèges[2]. Et comme les mots sont volontiers joueurs, je remarque à l’instant même où je copie le nom des auteurs qu’HART et HARTÉ sont paronymes à souhait. Hasard d’un glanage en librairie ! Acheter des livres sur l’écran n’a point cette magie-là.



[1] Yves HARTÉ, La main sur le cœur, Points (2024)

[2] Emilia HART, La Maison aux sortilèges, Pocket (2024)

dimanche 12 janvier 2025

A contre-courant des saisons

 



Cette semaine, il a neigé en Picardie. Juste de quoi voir virevolter les flocons et blanchir les toits. Une douceur pour les yeux, happée à la dérobée, entre une dictée et un exercice de conjugaison, dans une classe studieuse malgré l’envie d’honorer l’éphémère reine de l’hiver. J’aurais pu vous écrire sur celle que j’appelle volontiers la silencieuse. Mais j’ai choisi, à contre-courant des saisons, de vous parler de l’alouette. Je l’avais déjà invitée à la Datcha, en septembre 2022. Je l’aime tant !

Ces jours-ci, je lisais Eloge de l’alouette[1], un joli petit livre acheté l’été dernier dans une librairie, en Auvergne. L’auteur, Francis Gremberg, vit à Bailleul, dans le Nord. C’est un homme de ma génération dont l’enfance s’est déroulée à la campagne. Il a grandi avec le chant de l’alouette, loin de savoir, à l’époque, qu’il perdrait un jour le privilège de l’entendre grisoller dans le ciel du nord : « Je vous écoutais et j’étais sous votre emprise. Votre chant de plein ciel était pour moi une révélation. Un oiseau chantait et le monde devenait plus beau. Je ne savais pas à l’époque que vous possédiez une des gammes les plus riches de la faune aviaire, avec plus de six cents notes et articulations en phrases[2]. […] Je me souviens de vous aux marches de l’hiver, quand novembre s’étalait brumeux et froid sur les champs nus. Vous étiez alors une consolation inattendue. À la seconde, vous inversiez les saisons et effaciez ma mélancolie.[3] » Comme lui, l’alouette fut l’enchantement de mes promenades à travers champs, du mois d’avril quand les prunelliers fleurissaient à l’été - en dehors des moissons bruyantes et poussiéreuses - en passant par le mois de mai fleurant bon l’aubépine et celui de juin éclatant dans les cytises.  Mes yeux éblouis par la lumière couraient dans le ciel à la recherche de l’oiseau qui lançait ses trilles très haut. On l’entendait mais on ne la voyait point. Elle estampillait les beaux jours dans cette région au climat peu clément, elle était insouciance, légèreté et compagne d’un temps étale, sans contrainte, celui du long week-end sans école ou des grandes vacances infinies. Parfois, on l’apercevait voletant sur place avec une ténacité dans son battement d’ailes qui n’avait d’égal que son chant incessant. Lire le bel ouvrage de Francis Gremberg, c’est conjuguer ses souvenirs de p’tit gars des champs à mon enfance rurale. C’est partager sa peine et son inquiétude actuelles. Si l’alouette a disparu de la terre de Bailleul, elle n’est plus beaucoup là dans mon coin de Picardie. Zones de culture agricole intensive, on l’aura compris. Glyphosate et compagnie plument l’alouette. Je suis parfois prise d’angoisse de songer que ce frêle oiseau peut disparaître à tout jamais et que nous n’ayons plus que des vidéos sur Internet pour l’écouter. Moment volé que je me suis accordé avant de rédiger cette chronique et qui n’a, hélas, pas les vertus d’une vraie balade dans la nature. Mais le chat Piccolo qui dormait sur mes genoux a sauté devant l’écran, son oreille de chasseur en alerte, sa patte véloce prête à bondir sur l’image. Le leurre est-il plus grand pour lui ou pour moi ? C’est discutable.

L’opus de Francis Gremberg ne s’attache pas seulement à consigner sa nostalgie en une langue poétique et douce, il nous convie à retrouver l’alouette chez les poètes ou sous la plume des soldats de 14-18 qui l’entendirent chanter, imperturbable une fois la canonnade arrêtée, inébranlable image de l’espérance devant la folie des hommes. Il la traque dans les champs cultivés de toutes régions, se défiant des chiffres et pourcentages aléatoires mais guère rassurants mais aussi dans le champ sémantique de la langue française. L’alouette est partout : une rue de lotissement, un type d’hélicoptère, le nom d’une revue, le surnom que Jean Valjean donna à Cosette et, bien sûr, la comptine que nous avons tous chantée : « Alouette, gentille, alouette, je te plumerai… ». Enfant, bien que j’ignorasse que l’on pouvait manger l’oiseau, je n’aimais ni la musique ni la rengaine. Je pressentais au-delà de ces paroles a priori innocentes une indéfinissable perversité qui troublait la petite fille que j’étais.



[1] Francis GREMBERG, Eloge de l’alouette, collection La rencontre, Editions Arléa (2023)

[2] Page 10.

[3] Page 28.


mardi 31 décembre 2024

Meilleurs vœux

 


Plus que quelques heures et nous aurons changé d’année. Le crépuscule vient de tomber. La ville bruisse. Dans les foyers, on s’active aux fourneaux ou l’on occupe les heures sans se soucier de leur accorder de l’importance. Fêter une nouvelle année n’est pas du goût ou de la disponibilité d’esprit de tous. Ce n’est heureusement pas une obligation, un Sésame, ouvre-toi dont il faudrait impérativement maîtriser le code pour franchir le seuil. Il y a toujours en moi une ambivalence à entonner le refrain d’un Happy New Year. Comme à Noël, on pense à ceux que la tristesse submerge, à ceux qui n’ont d’autre compagne que la solitude, la pauvreté ou la maladie. On pense à ces contrées écrasées par les guerres. Comme à Noël, on pèse ses mots pour ne pas heurter. Mais Noël vit d’Espérance et de Paix. La Saint-Sylvestre et le 1er de l’an ont un je ne sais quoi de léger, d’insouciant, d’insolent. D’utopique aussi. Ne souhaite-t-on pas, en effet, vraiment le meilleur pour sa famille, ses amis, ses voisins, son prochain ? Indéniablement oui. Alors que ces quelques vœux semés dans ma datcha aient la belle utopie du cœur.

Je vous souhaite une belle année dans la douceur des jours que des flocons de neige, une brise d’avril, la lumière d’été, l’orangé ambré de l’automne nous donneront au cours de 2025.

Je vous souhaite une belle année dans la simplicité d’un sourire, d’un compliment, d’un rire complice, d’une main encourageante sur une épaule.

Je vous souhaite une belle année dans l’attention portée aux autres et reçue des autres.

Je vous souhaite une belle année dans la magie des arts et du spectacle de la nature.  


dimanche 22 décembre 2024

Dans l'attente de Noël

 



Nous avons tous besoin

D’une espérance en nous,

D’une petite flamme au milieu de la nuit

Qui passe de main en main,

Ou de sourire en sourire.

Cette espérance

Fragile comme un enfant à Noël

Nous donne une force immense.


Extrait de la Prière de la Lumière de la Paix de Bethléem 2024



                                          

                                      



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