samedi 30 octobre 2021

Aventures caucasiennes

 

          


    Du 7 novembre 1858 au 7 février 1859, Alexandre Dumas effectuait un voyage riche en aventures à travers le Caucase. Ce récit parfois rocambolesque, plein de rebondissements, est à mille lieux des treks d’aujourd’hui. Bienvenue au pays des coupe-gorge ou des coupe-mains ! La Géorgie de la fin du 19ème siècle est alors une mosaïque culturelle d’une douzaine de peuples, parmi lesquels les Abkhazes, les Tatars, les Tcherkesses, les Ossètes, les Tchétchènes et Les Lesghiens. Sans compter les Arméniens. Tout ce petit monde, que la langue, les mœurs et les implantations territoriales séparent, se voue parfois une haine tenace, au milieu desquels les Cosaques maintiennent tant bien que mal l’ordre par la force. « Il est plus aisé de tuer des hommes que de faire leur éducation : pour les tuer, il ne faut que de la poudre et du plomb ; pour les instruire, il faut une certaine philosophie sociale qui n’est point à la portée de tous les gouvernements. » note Dumas (Page 300). En ces contrées si promptes à guerroyer, notre écrivain, excellent chasseur, n’exclue pas de tâter du fusil si l’occasion se présente. Voyager, c’est aussi sauver sa peau.

    Dumas nous entraîne en tarantass inconfortable à travers les steppes, le fleuve Terek, des gorges escarpées, des monts au sommet desquels des aouls – villages fortifiés tchétchènes – semblent en suspens sur la falaise. « Nulle part comme au sommet du Karanaï on ne peut voir ce prodigieux bouleversement, cette dévastation inouïe que présente la chaîne du Caucase. Aucun pays du monde n’a été plus tourmenté par des soulèvements volcaniques que le Daghestan : les montagnes semblent, comme les hommes, déchirées par une lutte incessante et acharnée. […] Nous restâmes une heure à peu près au sommet du Karanaï. J’avais fini par m’habituer peu à peu à cette splendide horreur et j’avouai avec Bragation que, ni du haut du Faulhorn, ni du haut du Righi, ni du haut de l’Etna, ni du haut du pic de Gavarnie, je n’avais rien vu de pareil. » (Page 124)  Il traverse des villes, visite mosquées et bazars, dort en des palais où les princes lui offrent des armes, dîne à la française chez des gouverneurs de bourgs où l’on cause des derniers succès littéraires dans la langue de Molière sous des lustres en cristal tandis que la nuit noire, dans les rues au-dehors, se fait l’alliée des coupeurs de gorge et des kidnappeurs. Il découvre des villes portuaires :  Bakou, sur la mer Caspienne, Trébizonde, Batoum sur la mer Noire.

    Dumas dort dans des auberges insalubres n’ayant de lits que des bancs, y savoure des chachliks de mouton aux côtés de buveurs pour qui douze bouteilles ne sont que peu, quand il ne cuisine pas lui-même un coq acheté en route ou la sauvagine tombée sous ses tirs. Il entend des histoires de princesses enlevées par des Tatars, des exploits héroïques d’officiers cosaques, de Lesghiens qui clouent à la porte de leur maison la main droite de leur ennemi.

    Il chevauche des chevaux fougueux, se perd dans la neige, traverse des rivières glacées. Sa fatigue le trouble à peine. Homme vigoureux et travailleur acharné, il rédige son carnet de voyage au gré de ses étapes. « La neige tombait à flots. Je me mis à travailler. J’écrivais tout courant mon voyage au Caucase et, contre toute contrariété, le travail est une grande ressource. (Page 312) J’ai subi bien des privations dans mon voyage, j’ai manqué de tout quelquefois, même de pain. Eh bien ! la privation la plus difficile à supporter pour moi a toujours été celle du travail. » (Page 324)

    La rédaction de ce carnet va si bon train que le livre est publié  le 10 mars 1859, sitôt le retour d’Alexandre Dumas à Paris.

 

           

 

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