vendredi 18 mars 2022

Les jonquilles

 

  


 Parmi les premières fleurs de mars, les jonquilles foisonnent dans les jardins et les parterres. Leurs corolles jaune vif repoussent la grisaille de l’hiver. Elles éclosent, généreuses, insensibles aux derniers frimas, aux giboulées, aux écarts de température fréquents. Chaque année, je guette leur floraison et me réjouis de cet éclat de couleur soudain flagrant, fidèle et immanquable partout où mes yeux fouineurs savent les trouver. Ces fleurs ont une vitalité altière. Elles se démultiplient. Elles sont des vivaces indépendantes. Elles s’imposent. Chaque année, à leur floraison, j’ai une pensée émue pour William Wordsworth et ses « golden daffodils. »


            J’allais solitaire ainsi qu’un nuage

            Qui plane au-dessus des vaux et des monts

            Quand soudain je vis en foule – ô mirage ! –

            Des jonquilles d’or, une légion !

            A côté du lac, sous les branches grises,

            Flottant et dansant gaiement à la brise.

 

            Serrées comme sont au ciel les étoiles

            Qu’on voit scintiller sur la Voie lactée,

            Elles s’étendaient sans un intervalle

            Le long du rivage au creux d’une baie :

            J’en vis d’un coup d’œil des milliers, je pense,

            Agitant la tête en leur folle danse.

 

            Les vagues dansaient, pleines d’étincelles,

            Mais elles dansaient plus allégrement ;

            Pouvais-je rester, poète, auprès d’elles

            Sans être gagné par leur enjouement ?

            L’œil fixe – ébloui –, je ne songeais guère

            Au riche présent qui m’était offert :

 

            Car si je repose, absent ou songeur,

            Souvent leur vision, ô béatitude !

            Vient illuminer l’œil intérieur

            Qui fait le bonheur de la solitude ;

            Et mon cœur alors, débordant, pétille

            De plaisir et danse avec les jonquilles.

 

William WORDSWORTH Traduction de François-René Daillie Poésie Gallimard 2001

 

 

 

 


samedi 12 mars 2022

Musardons

 





            Dans le cadre du Printemps des poètes, j’ai été invitée hier à lire ma poésie dans une résidence pour seniors. Ce fut une belle rencontre que j’aurai l’occasion de présenter dans une autre chronique. J’ai rendez-vous dans un quartier d’immeubles neufs, près du campus où j’ai fait mes études trente ans plus tôt. Ce n’était alors qu’un terrain vague. C’est aujourd’hui un quartier minéral, géométrique, émaillé de quelques commerces qui n’ont pas le charme des boutiques d’un vieux centre-ville et ne peuvent effacer un sentiment d’évidente solitude propre à ces périphéries modernes. Une ville dans la ville. Tentaculaire. La résidence se trouve rue de l’Ours et de la Lune. Cette sympathique adresse est un clin d’œil à ma collection de noms de rues insolites.  En effet, mon goût des mots m’a toujours rendue sensible à l’appellation des rues.  Au cours de mes voyages et découvertes de villes et de villages à travers la France, j’ai fait de belles trouvailles. Des noms de rues surprenants, amusants, aussitôt notés sur un petit carnet et parfois pris en photo.

            Laissez-vous guider dans cet itinéraire singulier.  Empruntez d’abord la rue froide puis la rue des femmes fraîches. Allez ensuite rue du Petit mot avant d’arriver rue du puits d’amour. Si vous passez par la rue du joli cœur, vous sortirez votre mouchoir, rue du Serre cœur et rue des tourments d’amour. Ne traînez pas rue des corps-nus-sans tête. Il y aurait d’ailleurs de quoi perdre la tête rue de la pierre folle.  Un peu de courage, ça monte rue pousse-panier ! Reposez-vous rue des bancs vieux. Vite, ne soyez pas en retard rue du Tic-tac. Tournez à droite rue de l’arbre sec et passez par la rue du moulin des lapins. Ne manquez pas la rue à la farine, avant la rue au pain. Vous aurez mérité la ruelle Gagnepain. On risque de vous montrer du doigt rue du mouton noir. Alors filez vite rue de la chèvre blanche ou rue des chats bossus. Poussez jusqu'à la rue Porte Serrure. La rue du puits de Dieu vous mènera certainement rue du paradis et vous fera éviter la rue de l’enfer. Cette promenade aura sans doute creusé votre appétit. Allez donc vous restaurer rue pavée d’andouilles. Et relaxez-vous rue du Bain-aux-roses.



            Si vous vous êtes perdu, vous trouverez peut-être la rue à la boussole. Je ne l’ai encore jamais trouvée mais elle existe sans doute bien quelque part ! Cette promenade vous aura en tout cas mené aux quatre coins de France : Amiens, Sancerre, Lille, Boulogne-Sur-Mer, Paris, Saint-Gengoux-Le-National, Buxy, Strasbourg, Sainte-Sévère… et j’en passe.

 

 

dimanche 6 mars 2022

Le foisonnement du monde

 




            Lorsque le monde saigne, le pouvoir des mots paraît bien insignifiant. Pourquoi écrire ? Que dire quand des hommes fuient leur pays en proie aux bombes ou se terrent dans des caves ? Même s’ils peuvent avoir du poids, des mots ne sont jamais que des traces sur le papier, des caractères bien ordonnés sur l’écran de l’ordinateur. La littérature ne va pas au front et pourtant les mots ont leur combat. Les mots aussi travaillent à la paix.

            J’ai eu la tentation de trouver la tenue de ce blog bien futile en ces heures sombres. Et je ne suis pas la seule. J’ai d’ailleurs encouragé une bloggeuse, rongée par le même scrupule, à continuer ses chroniques et à poster des recettes.

            À l’heure où j’écris, dans mon pays et ailleurs, des boulangers pétrissent du pain, des cuisiniers sont aux fourneaux, des chorales chantent, des musiciens jouent, des maçons bâtissent des maisons, des jardiniers plantent des bulbes, des prêtres disent la messe, des danseurs sont sur scène – comment ne pas penser au Grand Ballet de Kiev en tournée en France ? –, des comédiens donnent une tragédie ou une comédie. Et dans chaque foyer, une femme ou un homme cuisine, repasse un vêtement, met des fleurs dans un vase, lit une histoire à un enfant. Des exemples pour me dédouaner d’écrire, alors ? Non. Cette mosaïque de gestes qui sont la Vie est comme une ribambelle d’Espérance sur les jours.

            Nos quotidiens parfois ternes, lassants dans leur morne répétition sont des grains de vie dont on oublie souvent la richesse et la saveur. Quand on peut faire cela sans contrainte, sans en être empêché, c’est que l’on habite dans un pays en paix. La guerre, hélas, ou un état despotique, prive des hommes, des femmes et des enfants de ces grains nourriciers.

vendredi 25 février 2022

Le pouvoir de la littérature

 




« La littérature transfigure la vie. Elle ne la remplace pas. Elle ne la complète, ni ne la corrige. Elle l’élucide, elle tente de mieux la faire comprendre. La littérature plonge au plus profond. La littérature atteint l’âme. »

Mohamed MBOUGAR SARR, prix Goncourt 2021. Interview dans La Croix HEBDO du samedi 26 et dimanche 27 février 2022


vendredi 18 février 2022

Salon et printemps des poètes 2022

 

Quelques rendez-vous à venir :

- Salon du livre d’Abbeville

 Samedi 5 mars 2022 : (11h- 18h)






 

- Printemps des poètes 2022 Amiens métropole

Vendredi 11 mars 2022 : lecture musicale de l’Engrangeoir (15h à 17h) à l’EHPAD Novage, 15 rue de l’ours et de la lune à Amiens Réservation Serveur vocal poétique 03 74 09 84 24

 

Mardi 29 mars 2022 : lecture musicale de l’Engrangeoir (18h à 19h) à la bibliothèque de Longueau   Réservation Serveur vocal poétique 03 74 09 84 24

 

 


 


mercredi 16 février 2022

Ecrire quand il pleut

 



            J’entendais, il y a peu, à la radio, Patrick Chamoiseau dire qu’il aimait écrire quand il pleut. Les pluies denses et drues des Caraïbes caracolent sur les toits de tôle des maisons modestes. Je me souviens de ces grondements sourds pour les avoir entendus lors d’un séjour en Martinique. Leur bruit caractéristique berce l’endormissement des enfants de là-bas, dit Chamoiseau.

             La pluie sied à l’exercice solitaire de l’écriture car elle pimente le silence. Elle ne l’annule pas ; son staccato régulier semble au contraire densifier l’impression de silence et de quiétude. La pluie, dehors, accentue le sentiment de confort de celui qui est dedans. Et la clarté amoindrie en plein jour est compensée par le halo ambré de la lampe du bureau qui circonscrit le bureau. Cette impression de cocon est d’autant plus douce lorsqu’on écrit sur le papier. La présence de l’ordinateur avec sa lumière crue sur l’écran ne rend pas si intensément cette atmosphère.

            J’ai longtemps écrit uniquement à la main et, sans que cela ne fût un rituel, je privilégiais volontiers les heures matinales ou crépusculaires, quand la lampe nimbe la table de travail. De là sans doute aussi ma joie à écrire quand il pleut. Pour jouir de ce contraste d’ombre et de clarté. Pour savourer la partition des gouttes sur le toit. Si l’ordinateur ôte aujourd’hui cette poésie-là à mon environnement, il me reste tout de même, de façon plus diffuse, ce sentiment de sérénité. La pluie, tout comme la neige d’ailleurs, est complice de l’écriture. Le chat qui dort aux côtés de l’écrivain, également. Mais des auteurs préfèrent le vent tourmenté d’un bord de mer. Je pense en écrivant ces lignes à la maison qu'avait John le Carré en Cornouailles. À Herbjørg Wassmö qui vit sur une petite île battue par les vents au nord du cercle polaire.

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