samedi 11 décembre 2021

Au diable les conjugaisons !

 

                                    

    Source: Internet.  Michka  Père Castor Flammarion (1941) Texte de Marie Colmont. Illustrations de Feodor Rojankovsky. 


            J’ai acheté, pour l’offrir à Noël au petit garçon d’une de mes cousines, le livre Michka dans la collection du Père Castor. Un vieil album pour enfants régulièrement réédité et ressorti cette année en livre broché. Enfant, j’avais aimé les tribulations de cet ours en peluche et son bel acte de générosité. Feuilleter à nouveau ces pages m’a remplie d’émotion. La douceur des images et les formes rebondies de l’ourson aux oreilles hirsutes n’ont pas perdu leur pouvoir de séduction. Mais quelle ne fut pas ma surprise à la lecture du texte ! Conditionnel passé deuxième forme, imparfait du subjonctif : deux temps quasiment tombés en désuétude et boudés de bon nombre d’écrivains, a fortiori quand il s’agit d’écrire des histoires pour les tout-petits. Des temps qui n’avaient point affolé mon oreille de fillette ni préoccupé ma mère, qui non seulement m’avait lu l’histoire mais l’avait étudiée avec ses élèves de maternelle ! Comment ne pas penser alors à cette polémique stérile qui a secoué le monde de l’édition enfantine il y a peu ? La série du Club des cinq d’Enid Blyton amputée de ses passés simples ! La bêtise des adultes est bien grande. C’est méconnaître le pouvoir des enfants d’absorber le lexique si on sait le faire chanter à leurs oreilles. C’est d’ailleurs une sorte de condescendance à l’égard des petits. C’est aussi imposer sa propre pauvreté et sa paresse intellectuelles à ceux que l’on prétend éduquer.

            N’ai-je pas aussi entendu à la radio que des éditeurs publiaient plus volontiers des auteurs à l’horizon lexical « réduit » pour faciliter le travail de traduction. Entendez par-là un intérêt économique. Plus vite le livre sera traduit, moins il reviendra cher ! Quel mépris pour les auteurs et pour les traducteurs, pour qui un vrai travail de traduction est comparable à de l’orfèvrerie.

            Le français perd ses mots parce que des savoirs se perdent. Si beaucoup de nos arrière-grands-parents n’ont pas pu décrocher le certificat d’études, d’aucuns avaient une richesse linguistique incomparable, des mots du patois aujourd’hui perdus, des mots de la campagne, de la sauvagine que les chasseurs d’aujourd’hui n’ont jamais entendus. Il suffit de lire Henri Vincenot et Maurice Genevoix pour s’en convaincre, même si –  je ne suis pas dupe   ces auteurs ont pu quelque peu enjoliver la matière lexicale de leurs personnages. Il n’empêche, cette campagne d’antan maîtrisait proverbes, bons mots et vocabulaire spécifique qui nous sont perdus. À l’heure où les médias véhiculent des "problématiques" à tout-va (Où diantre est passé le simple petit mot de "problème" ? Car problématique et problème ne sont pas interchangeables et ont leur nuance.) et des "ressentis" à toutes les sauces, nos contemporains s’expriment de plus en plus paresseusement. Sans compter les anglicismes envahissants ou francisés ! Likons, likez ! Ne donnons plus à nos enfants que des mangas sans texte solide ! Ecrivons les contes pour enfants uniquement au présent : une aberration totale ! Parlons genre stars des télé-réalités ! Et ne nous étonnons pas qu’un élève, au collège, ne puisse plus lire Croc-Blanc et, au lycée, Eugénie Grandet.

 

 


samedi 4 décembre 2021

Le dernier livre

 

            Et si c’était le dernier livre ? La question ne se pose pas pour moi qui suis encore relativement jeune. J’ai de belles années d’écriture devant moi, et certaines, je l’espère, seront peut-être couronnées par des publications. Chez les éditeurs qui m’ont déjà honorée ou dans d’autres maisons. Cette question me vient en fait à l’esprit en pensant à deux femmes de lettres contemporaines que j’ai aimé lire et qui n’ont rien publié depuis quelque temps : Claude Pujade-Renaud et Marie Rouanet. Je les ai toutes deux découvertes dans les années quatre-vingt-dix, à l’époque où elles publiaient beaucoup. Elles ont accompagné mes années de jeune lectrice adulte. Elles étaient mes auteurs phares en parallèle de ma boulimie d’auteurs anglo-saxons.

                                                                     

                                                   Source: Internet

           Je me suis enivrée de la langue sensuelle, dense et chatoyante de Claude Pujade-Renaud. J’aime ce qu’elle exprime des corps. Ancienne danseuse, elle vibre à travers les mots. Je me souviens particulièrement de son livre La Danse océane qui romançait la vie de la danseuse américaine Doris Humphrey. Claude Pujade-Renaud est née en 1932, elle aura bientôt 90 ans. Son dernier roman est paru en 2016. Et, en 2017, les éditions Rhubarbe publiaient un journal co-écrit avec Daniel Zimmermann, son compagnon, décédé en 2000. Comment ne pas penser avec émotion au quotidien de cette femme longtemps voué à l’écriture. Qu’en est-il aujourd’hui pour elle ? Écrit-elle toujours ? Ou n’en a-t-elle plus la force physique, morale, intellectuelle ? Les mots dansent-ils toujours dans sa tête ?


                                           

                                                    Source: Midi Libre (Internet)

            Les Douze petits mois de Marie Rouanet accompagnent, presque chaque hiver, quelques-unes de mes soirées de décembre. C’est un petit livre que je relis en entier ou dans lequel je picore mes passages préférés comme on allume les bougies de l’Avent. J’aime la bienveillance de Marie Rouanet, sa délicatesse dans les petites choses du quotidien, sa langue charnue. Elle aussi n’a rien fait paraître depuis 2016. Aujourd’hui Marie Rouanet a 85 ans ; elle a rejoint l’âge du portrait qu’elle faisait de sa mère. J’imagine sa main tavelée encore assez alerte pour cuisiner, parce que je me souviens de son texte magnifique sur les bécasses. J’imagine sa silhouette menue, assise à sa table d'écriture dans sa maison aveyronnaise. A-t-elle un nouveau livre en cours? Je revois sa main tenant un stylo-plume à l’encre rouge et qui glissait sur un livre une dédicace que je lui avais demandée pour une amie, lors d’un salon du livre à Paris. C’était en … j’ai oublié l’année, mais je me souviens de l’accent du sud de cette femme et de son doux sourire.

           

 

vendredi 3 décembre 2021

Dédicace à la librairie Martelle

 






Rencontre – dédicace à la librairie Martelle (Amiens)

Samedi 11 décembre   15 h – 18h

Destins tragiques de princesses Editions Jourdan

L’engrangeoir Editions La Chouette imprévue 


vendredi 26 novembre 2021

Retour sur le salon du livre à Verdun

 


                                     



    Belle luminosité sur le quai de la Meuse en ce matin du samedi 20 novembre. Un peu de temps pour flâner dans le quartier de la cathédrale avant de rejoindre le palais épiscopal. Ce superbe édifice du XVIIIème siècle est un joyau de l’art classique français, conçu en 1724 par le premier architecte de Louis XV. Dans ses Mémoires, Saint-Simon disait qu’il s’agissait du « plus vaste et plus splendide palais épiscopal qu’il y ait en France.» Il abrite aujourd’hui la bibliothèque municipale et le Centre Mondial de la Paix, dans lequel se tient le salon du livre. 

                           


    Il est à peine dix heures ; les visiteurs ne sont pas encore là. Universitaires, auteurs de romans historiques ou d’essais, libraires, éditeurs et organisateurs de l’événement se rencontrent autour d’un café. Un soleil généreux inonde la salle et fait briller les couvertures des livres. Des couleurs à foison : images de blessures ravivées – silhouettes de Poilus, villages calcinés, terres dévastées –, portraits de l’Empire – Napoléon, Pauline Bonaparte – ou de familles royales d’Europe. Plusieurs siècles d’histoire courent d’une table à l’autre.  De drôles de Lulus en guerre au rayon BD. Des titres doux comme des confidences, comme ces Deux remords de Claude Monet.  Outre les piles de livres des auteurs présents, des tables sont garnies à profusion des livres de poche ou brochés.

                                         


    Pas la foule des précédents salons. Les deux journées s’écoulent entre heures creuses et fébriles. Ferait-il trop beau le samedi ? Trop gris le dimanche ? Le croque-mitaine Covid ferait-il peur ? Des visiteurs repartent chargés de livres, d’autres baguenaudent, timides, pour tromper leur ennui, juste pour voir, ça occupe la journée. Un scénario bien connu des auteurs et organisateurs. Tous les salons se ressemblent. Ou presque. Avec untel un achat coup de cœur, impulsif, et l’auteur sort sa plume, tout heureux. Avec unetelle, un échange sympathique. Un interlocuteur écoutant poliment un « cours d’histoire » d’historien qui n’arrive pas à se faire vendeur. Des paris ouverts, à mi-voix, entre voisins de stand. Quelques airs d’accordéon. Des interviews au micro.

    Je suis tantôt saisie d’instants d’enthousiasme ; ma vie palpite de livres écrits, de livres lus, de livres vus, d’auteurs croisés, de libraires à qui je suis fidèle. Je suis tantôt d’humeur chagrine ; on n’achète plus assez de livres, on ne lit plus assez, nos libraires font un métier difficile. Tant de travail en amont pour organiser une telle manifestation. Tant d’enjeux financiers, il faut bien le dire, pour les libraires qui investissent dans les approvisionnements. Tant d’heures de travail chez les auteurs pour un travail parfois si peu reconnu. Tant d’attentes pour une région qui souhaite se faire connaître. Je me sens tour à tour fille de Meuse, sœur de libraire et disciple d’auteurs et historiens talentueux ici présents.

    Lecteurs voraces ou occasionnels, fréquentez les salons du livre, achetez des livres. Parce que « La lecture agrandit l’âme. » (Voltaire)


jeudi 18 novembre 2021

Salon du livre d'histoire à Verdun

 





    Je serai ce week-end au salon du livre d'histoire de Verdun pour présenter Destins tragiques de princesses. Une grande joie pour moi, d'autant plus qu'avec la situation sanitaire le salon du livre d'Abbeville, où j'étais invitée en mars dernier pour mon livre L'hiver avec elle, avait été annulé. 


  

dimanche 14 novembre 2021

Les oies sauvages

 




Les oies sauvages s’accaparent le ciel

Silhouettes d’airain effilées dans le gris anthracite

Elles répondent à l’immuable destinée saisonnière

Un courant d’air évente leurs caquètements prophétiques

Et la voix grave du père       solennelle       lâche l’augure

Les oies sont passées       le froid arrive

Tandis que l’enfant       songe-creux       pressent l’incommensurable

puissance de la nécessité et la part irrévocable du destin

L'engrangeoir (page 53)


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