Source: Internet. Michka Père Castor Flammarion (1941) Texte de Marie Colmont. Illustrations de Feodor Rojankovsky.
J’ai
acheté, pour l’offrir à Noël au petit garçon d’une de mes cousines, le livre
Michka dans la collection du Père Castor. Un vieil album pour enfants
régulièrement réédité et ressorti cette année en livre broché. Enfant, j’avais
aimé les tribulations de cet ours en peluche et son bel acte de générosité.
Feuilleter à nouveau ces pages m’a remplie d’émotion. La douceur des images et
les formes rebondies de l’ourson aux oreilles hirsutes n’ont pas perdu leur pouvoir
de séduction. Mais quelle ne fut pas ma surprise à la lecture du texte !
Conditionnel passé deuxième forme, imparfait du subjonctif : deux temps
quasiment tombés en désuétude et boudés de bon nombre d’écrivains, a fortiori
quand il s’agit d’écrire des histoires pour les tout-petits. Des temps qui n’avaient
point affolé mon oreille de fillette ni préoccupé ma mère, qui non seulement
m’avait lu l’histoire mais l’avait étudiée avec ses élèves de maternelle !
Comment ne pas penser alors à cette polémique stérile qui a secoué le monde de
l’édition enfantine il y a peu ? La série du Club des cinq d’Enid
Blyton amputée de ses passés simples ! La bêtise des adultes est bien
grande. C’est méconnaître le pouvoir des enfants d’absorber le lexique si on
sait le faire chanter à leurs oreilles. C’est d’ailleurs une sorte de
condescendance à l’égard des petits. C’est aussi imposer sa propre pauvreté et sa paresse intellectuelles à ceux que l’on prétend éduquer.
N’ai-je
pas aussi entendu à la radio que des éditeurs publiaient plus volontiers des
auteurs à l’horizon lexical « réduit » pour faciliter le travail de
traduction. Entendez par-là un intérêt économique. Plus vite le livre sera
traduit, moins il reviendra cher ! Quel mépris pour les auteurs et pour
les traducteurs, pour qui un vrai travail de traduction est comparable à de
l’orfèvrerie.
Le
français perd ses mots parce que des savoirs se perdent. Si beaucoup de nos
arrière-grands-parents n’ont pas pu décrocher le certificat d’études, d’aucuns
avaient une richesse linguistique incomparable, des mots du patois aujourd’hui
perdus, des mots de la campagne, de la sauvagine que les chasseurs
d’aujourd’hui n’ont jamais entendus. Il suffit de lire Henri Vincenot et
Maurice Genevoix pour s’en convaincre, même si – je ne suis pas dupe – ces
auteurs ont pu quelque peu enjoliver la matière lexicale de leurs personnages.
Il n’empêche, cette campagne d’antan maîtrisait proverbes, bons mots et
vocabulaire spécifique qui nous sont perdus. À l’heure où les médias véhiculent des "problématiques" à tout-va (Où diantre est passé le simple petit mot de
"problème" ? Car problématique et problème ne sont pas
interchangeables et ont leur nuance.) et des "ressentis" à toutes les sauces, nos
contemporains s’expriment de plus en plus paresseusement. Sans compter les
anglicismes envahissants ou francisés ! Likons, likez ! Ne donnons
plus à nos enfants que des mangas sans texte solide ! Ecrivons les contes
pour enfants uniquement au présent : une aberration totale !
Parlons genre stars des télé-réalités ! Et ne nous étonnons pas
qu’un élève, au collège, ne puisse plus lire Croc-Blanc et, au lycée, Eugénie
Grandet.
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