dimanche 28 juillet 2024

Sur la route des vacances

 


La datcha ferme ses volets pour l’été.





Valses d’étés d’ici et d’ailleurs. Villages de vacances traversés dans le ronronnement d’une Dyane. Pompes à essence ventrues en bord de route, platanes aux bras larges, carotte du bar-tabac. Des vœux pour les deux-chevaux vertes, des sourires aux grands-mères en charentaises assises sur un banc et qu’on ne connaît pas. Ne pas courir après les lézards dans le potager des religieuses. Ne pas tomber dans les abreuvoirs. Les planchers craquent dans les couloirs des hôtels.

Nathalie Boniface-Mercier, L’Engrangeoir, Editions La Chouette Imprévue (2021)

 


lundi 22 juillet 2024

Une belle initiative

 



Plus personne ne lit entend-on geindre régulièrement. Si le secteur du livre connaît un léger fléchissement depuis une année dopée par le confinement et l’engouement passager ou confirmé des Français pour la lecture, de belles initiatives témoignent que le désamour de nos compatriotes pour les livres n’est pas encore légion. Bien sûr, ce que je vais relater n’offre qu’une vision partielle d’une réalité générale plus contrastée (et sans doute consternante si l’on en croit les chiffres de la très sérieuse étude menée par Michel Desmurget[1]).

S’est créée dans ma ville, au printemps 2023, une librairie solidaire qui permet aux lecteurs d’acheter des livres, des CD et DVD d’occasion, mais surtout qui offre des perspectives de réinsertion d’emploi à des personnes. La Bouquinerie du Sart, implantée dans un quartier résidentiel, touche un public plus vaste que celui des appartements de standing et beaux pavillons qui la bordent. Le choix du lieu a d’abord été motivé par la proposition de l’évêché d’Amiens de fournir un bel espace, avec l’atout d’un parking à proximité. Et l’on vient de la campagne ou du centre-ville dans cette librairie pas comme les autres. Les réseaux sociaux ont tissé une publicité pas négligeable. La boutique a, au départ, constitué le fond de ses ouvrages grâce au partenariat d’une autre librairie identique, située à Villeneuve-D’ascq, dans le Nord. Quelques bacs de collecte sont disséminés dans la ville pour que des particuliers puissent y déposer les livres dont ils se débarrassent. Forte de son succès, et pour meubler une des salles vides, l’association a très vite mis en place une friperie. Gageons que les amateurs de vêtements de seconde main flânent aussi dans les rayonnages de livres.

La librairie est un havre de tranquillité, aménagée avec goût, avec des recoins de lecture, un espace pour les tout-petits qui donne l’impression d’être dans une bibliothèque. Les employés proposent du thé ou du café. Les livres, classés par thème, sont bien mis en valeur. Les magazines sont glissés dans des bannettes murales. Dans la salle des DVD et des CD, ces derniers sont classés par genre.

Plusieurs fois dans l’année, comme samedi dernier, la Bouquinerie du Sart propose une vente spéciale avec un choix de livres à 1 euro. Habituée des lieux, mais n’étant jamais encore venue un jour de braderie, quelle ne fut pas ma surprise de voir l’affluence ! Il fallait presque jouer des coudes dans la salle des caisses, là où étaient stockés les livres bradés. Il régnait une atmosphère détendue, toutes générations confondues, des lecteurs occasionnels cherchant à remplir leur valise ou de « gros mangeurs » comme moi.

Ma chasse au trésor fut fructueuse. J’ai déniché une anthologie de poèmes de Guillevic, publiés dans la collection Blanche de Gallimard, Composition française de Mona Ozouf, La Mémoire n’en fait qu’à sa tête de Bernard Pivot, Pense à demain d’Anne-Marie Garat, La couleur bleue de Jörg Kastner, un polar historique mais aussi un album de photographies, Chats de Venise, et un petit ouvrage présentant des tableaux de la Galerie Trétiakov à Moscou (visitée il y a plus de vingt ans). Autres trouvailles également : Des Impromptus de Schubert joués par Krystian Zimerman, un album d’Elisabeth Schwarzkopf et un autre de Renée Flemming.

Que du bonheur !

 


 


 



[1] Michel DESMURGET Faites-les lire, pour en finir avec le crétin digital Editions Seuil, 2023

mercredi 17 juillet 2024

Ecriture et calcul mental

 

                                       Florence, musée de la cathédrale


La Datcha serait-elle délaissée en ce début de vacances ? Ce n’est pourtant pas le temps qui me manque. J’écris. Un sujet, un verbe. Mots magiques ou tyranniques selon l’humeur. Verbe fantasmé pour beaucoup. J’écris est la formule incantatoire, un terme générique pour résumer à lui seul le processus créatif d’un livre. D’une fiction, le plus souvent. On dira moins fréquemment J’écris lorsqu’on rédige une thèse ou un rapport. Le verbe induit aussi une plongée dans un monde à côté de soi – néanmoins en soi ! –, la mise en marche d’un rituel ou du moins d’un labeur au long cours. J’écris est la marque de fabrique d’un écrivain.  Aux yeux d’autrui, une sorte de Ne pas déranger/ Occupé. Pour lui-même, un mantra. J’écris dévore le temps, l’espace, deviendrait vite exclusif si l’on n’y prend garde. Alors, il faut un minimum d’organisation. Levée à six heures, hier, quand la maisonnée dormait encore pour « malaxer la pâte », parce qu’un déjeuner chez des amis était ensuite au programme. J’écris. Dans ma tête, sur un cahier de notes, sur le clavier. Et je calcule. Parce qu’écrire un livre rime parfois avec dresser des dates, un arbre généalogique, compter des âges, croiser des événements. J’ai la calculette à portée de main quand le calcul mental décroche. Sans pour autant « faire concurrence à l’état civil » comme plaisantait Balzac, je fais naître une ou plusieurs familles, je suis l’accoucheuse ou la faucheuse. Et mère d’une grande tribu. 


vendredi 12 juillet 2024

Salon du livre à Hardelot

 




Soleil ou pas, j’espère que les visiteurs seront nombreux au salon du livre d’Hardelot (Pas-de-Calais) dimanche 14 juillet 2024 (de 10h à 18h). Même si mon nom ne figure pas dans la liste des auteurs invités (Il a été oublié. Oups !), je serai bel et bien présente ! 

    

jeudi 4 juillet 2024

Dénicher une pépite

 



L’on mésestime souvent les publications des petites maisons d’édition selon un préjugé bien implanté dans les esprits que la qualité d’un ouvrage serait corrélée à la renommée d’un éditeur. Les grandes maisons ont pourtant à leur catalogue bon nombre de livres insipides. Et de belles pépites passent à côté d’une large diffusion. Ma vie était un fusil chargé[1] est une de ces pépites ! Dans ce récit, au titre énigmatique emprunté à un vers d’Emily Dickinson, Marie Gillet évoque avec une pudeur pas dénuée d’une touche délicate d’humour l’atmosphère familiale pesante et mesquine dans laquelle elle a grandi. Le père, grand lecteur, méprise sa femme qui n’ouvre jamais un livre. Cette mère au foyer pleine de qualités se protège de cette mise au ban sociale et sexiste par une courageuse autodérision.  Petite, Marie tente de trouver sa place et de se faire aimer de son père en se revendiquant lectrice. Lectrice avant même de savoir lire, tout d’abord par une appétence pour les lettres qu’elle pare de significations poétiques : « […] le b, le e et le a s’aimaient d’un amour tendre, ils n’arrêtaient pas de se faire des câlins, étant rarement séparés ; au passage, il était certain que le t et le e étaient mariés. Sans que je sache encore pourquoi, mais j’espérais l’apprendre un jour, le b et le d étaient fâchés puisqu’ils se tournaient le dos […] » (page 64) L’apprentissage de la lecture à l’école comble l’enfant de son goût pour les mots, à défaut de lui accorder la reconnaissance du père et des « siens » (fratrie ? grands-parents paternels ?). De guerre lasse, Marie finit par lire en cachette. Dans Ma vie était un fusil chargé, l’autrice écrit : « Peut-être, du fait de mes fêlures qui sont pour les humains ce que les déchirures sont aux pages des livres, étais-je pour eux comme les livres qu’ils prenaient sur le marché, une enfant d’occasion, pouvant ainsi passer de mains en mains sans risque de détérioration supplémentaire, l’essentiel ayant déjà été détruit […] » (page 61)

Les livres deviennent alors pour Marie une compagnie, et même davantage. Certains livres, de son enfance à sa vie d’adulte, ont joué un rôle salvateur par leur pouvoir de maïeutique. Ils sont arrivés à un moment où elle sombrait et l’ont aidée à comprendre sa vie. Ces livres, elle les nomme « livres-chevaliers », comme ces chevaliers du Moyen-Âge venant sauver les princesses au moment le plus désespéré. Dans son récit, Marie Gillet présente cinq « livres-chevaliers » : Le Journal d’Anne Franck qui lui a permis de prendre conscience que « la vie gagne toujours », Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar, pour oser être soi, Une Année à la campagne de Sue Hubbell, qui lui a dessillé les yeux sur le monde à contempler, Le Silence de la mer de Vercors, où les barbares ne sont pas toujours ceux qu’on croit et Le Comte de Monte-Cristo, en qui Marie Gillet a vu l’image du pardon.

Car ce livre, outre un hymne remarquable aux livres, est aussi un témoignage de résilience et de pardon. Portée par sa foi et nourrie d’Espérance, Marie Gillet a appris, au fil des années, à se libérer de son histoire familiale et pardonner à son père, dit-elle dans une interview : « j’ai reçu une part d’éternité de lui car je suis sa fille. »



[1] Marie GILLET Ma vie était un fusil chargé Comment les livres m’ont sauvé la vie (Les impliqués, 2024)


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