samedi 15 juin 2024

L'art de la prétérition

 



En ce printemps sans soleil, plein de tempêtes et orages, de pluies torrentielles et inattendues, la datcha manque de lumière. Et la poésie doit jouer des coudes pour se faire une place. En cette période où tout le monde y va de sa petite phrase – micro-trottoir affligeant ou cri du cœur honorable –, où les girouettes se passent des alliances au doigt, où des solidarités de circonstances se bâtissent sur du sable, où la soupe à la grimace se boit à chaque coin de rue, où des charlatans de toutes obédiences proposent des élixirs de bonheur ou de sauve-qui-peut, quelle porte ouvrir à la datcha ?

J’aurais pu vous donner à disserter sur Camus. J’aurais pu brandir l’une des plus belles assertions de l’humanité : « Aimez-vous les uns les autres. » J’aurais pu vous faire une leçon d’histoire sur la crise de 1929. J’aurais pu lancer des fléchettes sur des effigies. J’aurais pu vous prodiguer des conseils de lecture : La Résistible ascension d’Arturo Ui ou Matin brun.

Mais j’ai du travail à la datcha, j’ai le jardin à désherber.


vendredi 7 juin 2024

Avatar dans une boule de cristal

 

                                        Fribourg (Suisse)


Hier matin, j’écoutais d’une oreille distraite France Culture dans ma voiture en me rendant au travail. Il était question d’une application de l’I.A qui permet à ses clients (Je crois me rappeler que l’usage était payant) de se projeter dans une sorte d’avatar pour se voir plus âgé et conceptualiser sa vie à venir. L’expérimentation apportait à ses bénéficiaires le sentiment de mieux maîtriser leur vie actuelle et de cibler la conduite à tenir pour avancer avec sérénité et assurance dans l’avenir. Un adepte de cette Madame Irma d’un nouveau genre venait de découvrir l’inéluctable nécessité de devoir un jour vivre sans ses parents ! D’où le besoin d’apprendre à profiter de leur présence et de leur amour tant qu’il était encore temps. La bêtise humaine se serait-elle à ce point fourvoyée dans le maelstrom des injonctions sociétales, du prêt-à-penser en toc et des encodages informatiques pour que le bon sens élémentaire ait quitté la conscience de certains de mes contemporains ? Je dis bon sens mais je n’ose même pas parler de sentiments. Faut-il être arrivé dans l’hyper technologie de notre vingt-et-unième siècle pour réaliser l’unicité de la chaîne affective des générations et la grâce qui nous est donnée, à nous autres humains, d’avoir conscience de notre place dans la famille, dans la fratrie, dans la cité et sur notre terre. Conscience : savoir avec. Parce qu’on ne connaît qu’avec autrui, que par les autres. Parce qu’on est tous des compagnons, du fait que nous partageons le pain. L’essentiel. La Vie. Faut-il des machines pour apprendre aux hommes qu’ils doivent s’estimer et s’aimer au moment présent ? Sans attendre de vivre de regrets, de souvenirs et de la promesse que nos défunts auront un jour déposé avec leur testament leur avatar chez le notaire afin que nous puissions les sortir du placard un jour de cafard !

En contrepoint de cette machine à illusions, j’ai bien sûr pensé d’emblée aux livres. Cet objet modeste, qui ne paie pas de mine, qui s’écorne, s’abîme, mais qui se glisse dans tous les sacs, se niche dans tous les coins et recoins d’un foyer, qui accompagne nos jours. Les romanciers, les poètes, les historiens, les prophètes, les évangélistes, les saints, les philosophes n’ont pas besoin d’enfoncer une porte ouverte pour nous rappeler l’essentiel sur la vie et la mort, car ils savent, par leurs mots, nous accompagner à mieux vivre avec les nôtres, à mieux aimer, à mieux pardonner, à mieux accepter la vieillesse et notre passage éphémère en ce monde.

 

 


dimanche 2 juin 2024

Muse infidèle

 


                                   Façade médiévale, Dijon




Un poème perdu

Ne se rattrape guère

Le fou du roi grimace

Et s’esquive.

 

2 juin 20024


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