Acheter
des livres est, pour moi, l’un des plus grands plaisirs de la vie. Une joie
toujours renouvelée. À nulle autre pareille. Surtout quand
on glane au hasard. Une jaquette attirante, un titre séduisant, une quatrième de
couverture appétissante. Ou une page picorée. Le livre est alors promesse d’une
belle découverte. Une rencontre.
Outre
mes achats en librairie ou chez un bouquiniste, j’ai coutume de me rendre deux
à trois fois par an chez les chiffonniers d’Emmaüs. J’aime ce nom désuet de
chiffonnier que plus personne n’utilise. Ne parle-t-on pas aujourd’hui tout
simplement d’Emmaüs ? Sans en connaître l’origine bien souvent. Mais
laissons là l’antique route de Palestine et son auberge à Emmaüs. Mes mots
seraient trop pauvres au regard des Evangiles. Mes images seraient falotes au regard
des toiles de Rembrandt. Mes chiffonniers sont de la rue, des indigents d’autrefois,
avec une épaisseur littéraire. C’est l’univers balzacien convoqué derrière ces
quelques syllabes. Chiffonnier n’est qu’un mot qui me plonge dans les bas-fonds
du dix-neuvième siècle. Il n’est pas jugement de valeur sur la pauvreté d’aujourd’hui.
Ni sur celle d’hier, de cet hiver 1954,
dans le froid duquel l’abbé Pierre cria son indignation contre l’indifférence et
son amour pour son prochain. Il est ce mot noble et digne à travers lequel des
hommes et des femmes, depuis bientôt soixante-dix ans, tiennent boutique de
bric et de broc, d’antiquailles, de vieux meubles et de livres.
J’aime
glaner des livres dans les rayons de cette librairie unique en son genre. Les
grands auteurs y côtoient les insignifiants. Les contemporains de tout acabit entament
une deuxième vie sur ces rayonnages bricolés. Livres offerts ou achetés, lus,
donnés. Ecornés ou flambant neufs. C’est une mine pour tout type de lecteurs. De
petits prix pour petits budgets ou pas. Une obole de l’entraide.
Mes
chines sont toujours fructueuses. J’achète des brassées de livres, heureuse de
mes trouvailles. Vite évacués mes scrupules de ne pas participer à l’économie
classique du marché du livre (rétribution des auteurs, libraires et éditeurs). Mon
libraire-chiffonnier aura mérité sa journée : de l’argent pour son toit et
son assiette, le sourire de sa clientèle et l’assurance d’un bien qui n’a pas
de valeur marchande : sa dignité retrouvée.
Et
moi, je rentre à la maison, comblée de livres. C’est un samedi après-midi,
plein de délices. Quelques heures de lecture en perspective, à la lumière ambrée
de la lampe, en hiver, ou dans un fauteuil face au soleil. Comme je savoure ces
douces journées-là !
Mes trouvailles d’aujourd’hui :
Piazza d’Italia Antonio TABUCCHI
La petite danseuse de quatorze ans Camille LAURENS
Juste avant l’Oubli Alice ZENITER
Bizarre ! Bizarre ! Roald DAHL
Comme une valse Dorothy PARKER
Les roses fauves Carole MARTINEZ
Café Vivre Chroniques en passant Chantal THOMAS
Les petits bonheurs Bernard CLAVEL
Pierre 1er TOLSTOÏ
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