Au hasard d'une rue (Bruxelles, 2021)
Une date est fixée avec mon
éditeur pour une lecture musicale dans le cadre du Printemps des poètes 2024.
Lecture que je ferai en binôme avec une poétesse dont j’aime le travail. Je
suis heureuse de participer une nouvelle fois à la manifestation du Printemps
des poètes et ne prends pas ombrage qu’elle soit sous l’égide de Sylvain
Tesson. La pitoyable polémique que nourrissent les réseaux sociaux et quelques
médias tient de la véritable chasse aux sorcières, où tout le monde s’autorise
à écrire, à ériger en certitudes des approximations et des amalgames, à
proscrire un homme sous prétexte qu’il ne pense pas selon une certaine doxa. Loin
de moi l’idée de classer les auteurs en écrivains de gauche ou de droite.
Certes, il m’arrive de les étiqueter « cathos » ou pas, déformation
confessionnelle oblige ! Pour moi, il y a les bons auteurs et les
médiocres. Nous sommes tellement envahis par ces derniers qui pondent des
bouquins au bagage lexical d’une pauvreté affligeante et réchauffent des
poncifs. Dans ma bibliothèque, Sylvain Tesson côtoie Pierre Bergounioux ;
j’aime ces auteurs, aux antipodes dans leur manière de vivre et de penser, et j’ai
le plus profond respect pour leur intégrité et leur personnalité de citoyen et d’écrivain.
Chez moi, Rimbaud et Francis Jammes sont sur la même étagère.
Le danger pour notre
civilisation n’est pas seulement le grand méchant loup au bout du chemin qu’on
redoute et qu’on guette, c’est aussi la mauvaise bête tapie dans les fourrés et
qui, insidieusement, se faufile jusqu’à nos façons de penser, de condamner, de
lisser, de corriger, de réviser, celle qui dévore notre patrimoine littéraire
et artistique de prétextes fallacieux ou ridicules, en jetant par exemple, l’opprobre
sur le mot « nègre » dans un célèbre roman policier britannique ou en
aspergeant des toiles de maîtres.
À ce jeu du censeur
vertueusement politique, les auteurs de la polémique n’en sortiront pas
grandis ; les quelques célébrités littéraires de la liste des signataires
suscitent des sourires condescendants chez leurs détracteurs et la cohorte
d’inconnus qui les ont suivis ont fait naître, malgré eux, une tout aussi
pitoyable diatribe. Si d’aucuns sont sans doute d’obscurs écrivailleurs aux
chevilles hypertrophiées, quelques-uns sont peut-être de bons poètes qui n’ont
pas eu la chance d’être portés au firmament des Belles-Lettres parce que leur
maison d’éditions n’a pas les reins assez solides en matière de diffusion,
distribution et relation avec les médias. Le mépris avec lequel certains
journalistes les ont traités n’a d’excuse que leur indignation d’avoir vu ce
vent mauvais se lever contre Sylvain Tesson, auteur de talent, érudit,
travailleur, populaire et reconnu parmi ses pairs.
Dans cette histoire
d’arroseurs arrosés, c’est encore Dame Poésie qui doit bien rire, tout là-haut
dans son Olympe, car il lui faut une bonne dose d’autodérision pour ne pas
s’affliger de la bêtise des hommes. La poésie est liberté, insolence, pudeur et
impudeur, douceur et brusquerie. Elle est indémodable, salvatrice, tolérante,
apaisante. Elle n’a pas d’âge, de Catulle ou Sappho à Guérasim Luca, Ivar
Ch’vavar, Lionel Ray, Angèle Paoli, Sylvia Plath, Jean Grosjean, en passant par
Rutebeuf, Christine de Pisan, Marceline Desbordes-Valmore, Hugo, Verlaine, Emily
Dickinson, Edith Södergran, Apollinaire, Anna de Noailles, Albert Samain ou
encore Victor Segalen, René-Guy Cadou et tant d’autres. Il me faudrait des
pages pour citer tous ces remarquables poètes d’hier et d’aujourd’hui. Dame Poésie
se plaît à la cour des rois (Ronsard) ou en prison (François Villon, Jean
Genêt), elle est bourgeoise, aristocratique ou prolétaire. Elle va pieds nus ou
en redingote et canne de dandy, elle prie dans les églises ou fume de l’opium,
elle gravit des montagnes, traverse des déserts ou regarde son jardin. Elle est
si libre qu’on ne peut pas l’enfermer. Elle voudrait juste une chose :
qu’on l’aime, qu’on la lise et qu’on ne la salisse pas de vains discours.
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