dimanche 9 octobre 2022

Salons du livre: joies et dépits

 



Participer à un salon du livre est un passage obligé pour les écrivains, connus ou pas. Bien sûr, on ne sera pas logé à la même enseigne si l’on vend des best-sellers chez un grand éditeur ou si l’on est un auteur confidentiel (euphémisme qui désigne pudiquement un auteur reconnu par un éditeur honorable, d’une moyenne ou petite maison mais dont les ventes ont du mal à décoller). Dédicacer son dernier livre à Brive ou Paris, villes réputées pour leur grand salon, sous les projecteurs, entretient l’aura d’un écrivain. Quand on est un auteur inconnu on les envie parfois un peu. Tout semble si facile pour eux. Si quelques célébrités ont rapidement la crampe du poignet à enchaîner les signatures devant une queue d’admirateurs, leurs confrères un tantinet moins adulés connaissent parfois la dure réalité de la concurrence. Signer dans un grand salon, c’est se voir attribuer un créneau de deux heures, parfois à côté d’un auteur qui a le vent en poupe et rafle les lecteurs. Je me souviens, lors de salons du livre à Paris où j’allais en visiteuse, de quelques auteurs, dont je tairai le nom par discrétion, qui composaient une mine impassible et digne, devant la pile de leurs livres peu plébiscités, bien qu’estampillés Gallimard, Grasset et compagnie. Mais, dirait un auteur sans renom ou un écrivaillon du dimanche, c’est déjà accéder à la table des élus. Il leur manque si peu pour toucher le Graal. Un prix prestigieux qu’ils auront peut-être un jour et le tour sera joué ! Le statut d’écrivain demande de l’humilité et de la patience, qui qu’on soit.

Que dire, alors, des joies et déconvenues des écrivains sans gloire, des besogneux, des auto-édités, des poètes rimailleurs ou talentueux, des auteurs débutants ou confirmés mais restés confidentiels ? On les invite dans les petits salons de province (et c’est un honneur) ou bien ils postulent et louent leur étal. Les premiers arrivent les mains dans les poches ; le libraire local a pourvu leur table de leurs derniers ouvrages. Point de souci de trésorerie pour eux ; l’acheteur passe à la caisse du libraire. Les seconds débarquent avec une valise à roulettes dûment remplie. Ils usent d’astuces pour qu’on s’arrête à leur stand et assurent les comptes. Les uns vendront mieux que les autres ? Pas certain. Affaire de bagout, de renommée locale, de proximité du stand avec un point névralgique et méandres inexplicables du hasard. Cette part d’inconnu et de loterie du sort nourrit des amertumes, des dépits, des jalousies rentrées ou d’égoïstes joies.

Qu’est-ce qui contribue à la réussite d’un salon ? Beaucoup de visiteurs, certes, à condition qu’ils achètent. Beaucoup viennent en badauds. Une facilité à entrer en contact avec le lecteur potentiel, voire à le harponner. Une causerie bien argumentée servie à un interlocuteur intéressé n’est pas toujours couronnée de succès. Et les autres ingrédients d’un bon salon ? Indubitablement la météo. Si les premiers rayons printaniers dardent sur la campagne ou le littoral, le public attendu boudera la salle des fêtes pour le bon air du dehors. S’il pleut trop, s’il vente, pourquoi sortir ? Et si la pluie s’est abattue sans discontinuer sur un salon à ciel ouvert, c’est la catastrophe pour les organisateurs et les auteurs. Les livres prennent l’humidité sous les tentes et les barnums, leurs couvertures se gondolent, les courageux visiteurs qui ont bravé les intempéries rechignent à fermer leur parapluie et à s’approcher. Ils ont les mains mouillées, alors comment toucher les livres ? Ils filent, indifférents ou gentiment compatissants du bout des lèvres, devant les écrivains médusés ou découragés. Lesquels remballent avant l’heure de fermeture et s’en retournent, la valise tristement pleine, avec, au compteur très peu de livres vendus… ou pas un seul !


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