vendredi 29 décembre 2023

Au chaud avec un bon livre

 

                                                   Source: Pinterest


En cette période de l’année, les sites d’images regorgent d’illustrations de lectrices au coin du feu, dans des maisonnées au charme désuet, tandis que la campagne, entraperçue d’une fenêtre, est enneigée. L’atmosphère est paisible, rassurante et enveloppante. La présence d’un chat, et souvent, d’une tasse de thé ou tisane fumante, contribue à la douceur des lieux. Ce sont des images sans ancrage dans notre époque, loin de la frénésie compulsive de nos quotidiens. Aucune valeur marchande en filigrane. Aucune injonction de faux mages du bien-être. Le bonheur se résume au plaisir de lire au chaud. Les rumeurs du monde sont refoulées. Le silence a couleur de neige ; dans la maison, il ricoche sur les objets simples, se pelotonne dans la fourrure du chat ou la laine de la couverture. Il est le loyal complice des univers déployés dans les pages.

Ces images de sobriété heureuse fonctionnent souvent, paradoxalement, comme une part de rêve luxueux, inabordable dans nos vies chahutées et dans nos décors urbains, aux clinquantes lumières artificielles, sans perspective de neige. Pour écrire ces lignes, je convoque à moi, en pensée, ces fauteuils à oreillettes où se nicher devant le feu de bois. J’ai, en réalité, en vis-à-vis mon ordinateur, précieux compagnon de mes écrits, car j’écris trop peu aujourd’hui à la main sur mes cahiers et carnets, et j’ai parfois le scrupule de céder à la facilité pour gagner du temps. Mais derrière la baie vitrée, un rouge-gorge perché sur un pot de terre, m’envoie un ersatz de cliché hivernal feutré. Au loin, c’est une mésange qui volette dans le weigelia dénudé.

Alors, à défaut de flocons virevoltant au dehors, j’ai le loisir de vivre un hiver de franche neige dans les Contes de ma lampe à pétrole[1], charmant petit livre de Marius Noguès, paysan et écrivain, né en terre gasconne il y a plus de cent ans et dont la langue, à la fois drue et tendre, tisse des historiettes de villages ou d’ancêtres. C’est l’époque, où « le vin glaçait dans les barriques », où l’on allait à pied à travers la campagne, où le marcheur attardé craignait de tomber dans « la grosse nuit des bois » qui fait si peur lorsque « la neige, les champs de neige imbibent la nuit d’une opacité bleue. » On avançait sans espoir et soudain « C’est une fenêtre, avec derrière une ombre bleue, et les dessins que fait le gel aux vitres, et des ombres chinoises que fait le feu en sautillant dans la cheminée. Ça sent bon déjà la bûche chaude, et la chaux tiède des murs. » Eh bien voilà, je la retrouve ma fenêtre de maisonnée chaleureuse !

    



[1] Marius Noguès (1919, 2012), Contes de ma lampe à pétrole, réédition 1984, Editions Plein Chant


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