Source: Pinterest
En cette période de l’année,
les sites d’images regorgent d’illustrations de lectrices au coin du feu, dans
des maisonnées au charme désuet, tandis que la campagne, entraperçue d’une fenêtre,
est enneigée. L’atmosphère est paisible, rassurante et enveloppante. La présence
d’un chat, et souvent, d’une tasse de thé ou tisane fumante, contribue à la
douceur des lieux. Ce sont des images sans ancrage dans notre époque, loin de la
frénésie compulsive de nos quotidiens. Aucune valeur marchande en filigrane.
Aucune injonction de faux mages du bien-être. Le bonheur se résume au plaisir
de lire au chaud. Les rumeurs du monde sont refoulées. Le silence a couleur de
neige ; dans la maison, il ricoche sur les objets simples, se pelotonne
dans la fourrure du chat ou la laine de la couverture. Il est le loyal complice
des univers déployés dans les pages.
Ces images de sobriété heureuse
fonctionnent souvent, paradoxalement, comme une part de rêve luxueux,
inabordable dans nos vies chahutées et dans nos décors urbains, aux clinquantes
lumières artificielles, sans perspective de neige. Pour écrire ces lignes, je
convoque à moi, en pensée, ces fauteuils à oreillettes où se nicher devant le
feu de bois. J’ai, en réalité, en vis-à-vis mon ordinateur, précieux compagnon
de mes écrits, car j’écris trop peu aujourd’hui à la main sur mes cahiers et
carnets, et j’ai parfois le scrupule de céder à la facilité pour gagner du
temps. Mais derrière la baie vitrée, un rouge-gorge perché sur un pot de terre,
m’envoie un ersatz de cliché hivernal feutré. Au loin, c’est une mésange qui
volette dans le weigelia dénudé.
Alors, à défaut de
flocons virevoltant au dehors, j’ai le loisir de vivre un hiver de franche
neige dans les Contes de ma lampe à pétrole[1],
charmant petit livre de Marius Noguès, paysan et écrivain, né en terre gasconne
il y a plus de cent ans et dont la langue, à la fois drue et tendre, tisse des
historiettes de villages ou d’ancêtres. C’est l’époque, où « le
vin glaçait dans les barriques », où l’on allait à pied à travers la
campagne, où le marcheur attardé craignait de tomber dans « la grosse
nuit des bois » qui fait si peur lorsque « la neige, les
champs de neige imbibent la nuit d’une opacité bleue. » On avançait sans
espoir et soudain « C’est une fenêtre, avec derrière une ombre bleue,
et les dessins que fait le gel aux vitres, et des ombres chinoises que fait le
feu en sautillant dans la cheminée. Ça sent bon déjà la bûche chaude, et
la chaux tiède des murs. » Eh bien voilà, je la retrouve ma fenêtre de maisonnée chaleureuse !
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