jeudi 31 août 2023

Lire les classiques

 

                                                              

            J’aurais pu faire une chronique sur ma pile de livres lus pendant les vacances. Peut-être le ferais-je d’ailleurs une fois. Au cœur de l’été, c’est un pavé de 600 pages qui a été le trésor – bien lourd ! – de mon sac à dos de randonneuse. La reine Margot d’Alexandre Dumas. Fidèle compagnon de nombreux jours durant. Plonger dans un roman de plusieurs centaines de pages nous habite. On se sent dans une bulle, un monde en parallèle de notre quotidien. J’avais d’ailleurs commencé les vacances avec un autre pavé : La huitième vie de Nino Haratischwili. Un monument ! Une découverte magistrale !  Mais ma Reine Margot avait ce je ne sais quoi d’inégalable. Parce ce que je lisais ce qu’on appelle communément un classique ? Le mot classique a perdu de son aura à mes yeux au cours de mes années de lectures intenses et foisonnantes. Son côté convenu, obligé ? Scolaire ? Sans doute. Le piège des classifications, aussi. Qui mettre au panthéon des classiques en faisant fi de toute subjectivité, sans tomber dans le travers du distributeur de bons points, sans adopter l’éloge bon teint d’une culture bourgeoise un tantinet superficielle ni celui, parfois péremptoire, des autorités en matière de littérature ? Certes, si on me demandait à brûle-pourpoint de citer cinq ou six chefs-d’œuvre de la littérature française (Ne soyons pas trop gourmand sinon la liste serait longue !), j’aurais d’emblée quelques titres à décliner, avec une voix gourmande et passionnée. Mais on pourrait me reprocher d’avoir oublié tel ou tel livre. Sujet bien délicat et qui fait rarement l’unanimité entre lecteurs. (On le voit bien lorsque l’émission La Grande Librairie propose un tel débat) Et un bon livre gagne-t-il uniquement ses lettres de noblesse avec l’âge, comme un grand cru se bonifie en cave ? Nos classiques à venir sont aussi nos bons livres d’aujourd’hui. La huitième vie, par exemple. Qui sait ? Il n’empêche. Un classique a quelque chose de la vieille bouteille de vin. Justement parce qu’il est vieux. Parce que son auteur est monté au firmament des grands auteurs. Parce qu’il est intemporel bien qu’écrit cent ou deux cents ans plus tôt, quand ce n’est pas carrément huit cents ans plus tôt ou davantage encore. Alors ma Reine Margot aurait ce petit supplément d’âme-là. Possible. Parce qu’Alexandre Dumas occupe une place de choix dans ce cénacle de grands auteurs. Même si d’aucuns continuent de voir en lui un faiseur d’histoires populaires. Parce que nous autres lecteurs sommes, à notre corps défendant parfois, des nostalgiques ? J’en suis persuadée. Une étrange nostalgie car elle englobe le goût pour des récits d’autrefois, le respect pour des auteurs des siècles écoulés et leur plume désuète et sublime. Mais une nostalgie inconsciente de quelque chose d’impalpable qui irait puiser dans notre enfance ou notre adolescence, moments de nos premiers frissons de lecteurs. J’en suis convaincue. Et c’est cette étrange alchimie qui fait que lire Alexandre Dumas, Victor Hugo ou Gustave Flaubert, outre leur génie créatif, aura toujours à mes yeux une saveur que je ne retrouverai pas dans de géniaux auteurs contemporains.


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