Douce
France, cher pays aux mille clochers au sommet desquels un coq en zinc
pirouette au gré du vent, te voilà mêlée à un piètre combat : des crétins
aux oreilles trop sensibles s’en vont en guerre contre les meuglements des
vaches, les bêlements des moutons, le braiement des ânes, les coassements des
grenouilles, le gloussement des dindons, les stridulations des cigales, les
caquètements des canards et le chant matinal du roi de la basse-cour. À quand
la condamnation du croassement des corbeaux dans la plaine, du grisollement de
l’alouette des champs, du chuintement de la chouette, du bourdonnement de la
guêpe, du jacassement de la pie ? Laissons les grives babiller, les
palombes caracouler, les hulottes hululer, les courlis turluter et le coq coqueliner.
Un cochon qui grogne n’est pas un révolutionnaire. Un jars qui cacarde ne nous
pincera peut-être même pas les mollets. Et faudra-t-il un jour détourner le
cours des cascades parce qu’elles ont l’impudence de caracoler sur les rochers
trop près des gîtes de location pour les touristes ? Faisons cesser la
pluie, tant que nous y sommes ; elle cingle les toits. N’autorisons que la
neige silencieuse.
Le coq Maurice[1] de
Saint-Pierre d’Oléron peut porter haut sa crête depuis que la justice lui a
donné raison contre ses détracteurs qui ne supportaient pas son clairon dès
potron-minet. Il aura eu plus de chance que les grenouilles de Grignols[2]. Ces
plaintes répétées, à l’encontre des vaches, des batraciens, des gallinacés et
des cigales, ont quelque chose de farcesque et, pour un peu, certains de nos
contemporains remettraient en vigueur des procès d’animaux tels qu’on a pu les
pratiquer au Moyen-Âge. Messire cochon fut pendu à Falaise en l’an 1386 pour
avoir dévoré un enfant. Une horde d’hannetons fut excommuniée à Lausanne en
1479 car tenue responsable d’une famine. Ces pratiques d’un autre âge étaient
déjà en cours dans l’Antiquité puisqu’un cheval pouvait être tenu responsable
de la mort d’un homme et condamné à la peine capitale. « Si un bœuf écorne
un homme ou une femme et cause sa mort, le bœuf sera lapidé et l’on ne mangera
pas la viande, mais le propriétaire du bœuf sera acquitté » lit-on dans la
Bible[3]. De nos
jours, on n’attribue plus la responsabilité pénale à l’animal mais à son
propriétaire. Si les animaux ne sont plus personnifiés, anthropomorphisés comme
ils avaient pu l’être au Moyen-Âge, ils sont devenus animaux de compagnie,
aussi l’anonyme et sauvage grenouille est-elle mise au même rang qu’un chat ou
chien domestique. À défaut de propriétaire, on attaque le maire.
En cette époque où il y a
bien trop de bruit pour rien, je dédie ce texte à Maurice le coq et ses
congénères de basse-cour, mais également à toute victime potentielle – à plumes
ou à poils – de la bêtise humaine qui s’est mise à dos la campagne.
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