mardi 31 décembre 2024

Meilleurs vœux

 


Plus que quelques heures et nous aurons changé d’année. Le crépuscule vient de tomber. La ville bruisse. Dans les foyers, on s’active aux fourneaux ou l’on occupe les heures sans se soucier de leur accorder de l’importance. Fêter une nouvelle année n’est pas du goût ou de la disponibilité d’esprit de tous. Ce n’est heureusement pas une obligation, un Sésame, ouvre-toi dont il faudrait impérativement maîtriser le code pour franchir le seuil. Il y a toujours en moi une ambivalence à entonner le refrain d’un Happy New Year. Comme à Noël, on pense à ceux que la tristesse submerge, à ceux qui n’ont d’autre compagne que la solitude, la pauvreté ou la maladie. On pense à ces contrées écrasées par les guerres. Comme à Noël, on pèse ses mots pour ne pas heurter. Mais Noël vit d’Espérance et de Paix. La Saint-Sylvestre et le 1er de l’an ont un je ne sais quoi de léger, d’insouciant, d’insolent. D’utopique aussi. Ne souhaite-t-on pas, en effet, vraiment le meilleur pour sa famille, ses amis, ses voisins, son prochain ? Indéniablement oui. Alors que ces quelques vœux semés dans ma datcha aient la belle utopie du cœur.

Je vous souhaite une belle année dans la douceur des jours que des flocons de neige, une brise d’avril, la lumière d’été, l’orangé ambré de l’automne nous donneront au cours de 2025.

Je vous souhaite une belle année dans la simplicité d’un sourire, d’un compliment, d’un rire complice, d’une main encourageante sur une épaule.

Je vous souhaite une belle année dans l’attention portée aux autres et reçue des autres.

Je vous souhaite une belle année dans la magie des arts et du spectacle de la nature.  


dimanche 22 décembre 2024

Dans l'attente de Noël

 



Nous avons tous besoin

D’une espérance en nous,

D’une petite flamme au milieu de la nuit

Qui passe de main en main,

Ou de sourire en sourire.

Cette espérance

Fragile comme un enfant à Noël

Nous donne une force immense.


Extrait de la Prière de la Lumière de la Paix de Bethléem 2024



                                          

                                      



dimanche 15 décembre 2024

Bredele de l'Avent

 

                                        Source: Internet Pixabay

                                     


Confection des bredele[1] de Noël à la Datcha. Vieille tradition alsacienne qui a désormais gagné toute la France. Une amie de ma mère en confectionne par centaines, de toutes sortes (à l’anis, aux noisettes, au chocolat, à la cannelle) et en offre à sa famille, aux amis et aux résidents de la maison de retraite de son village. Ils sont autant un plaisir des yeux que du palais. Mon rouleau à pâtisserie, à chaque période de l’Avent, façonne la pâte. Toutes proportions gardées. J’aime tellement ces friandises qu’à seigneur tout honneur, je ne pouvais pas ne pas les évoquer dans mon roman consacré à la cuisine[2].

 

Biscuits de Suzanne

 

         Sablés, palets aux dames, rochers, macarons, petits fours, dollines, florentins, madeleines, bredele alsaciens, cup cakes anglais ou baklavas orientales, les tout petits gâteaux et biscuits qu’on avale en une ou deux bouchées semblent ne pas avoir quitté l’univers des dînettes des petites filles modèles ou sortir tout droit des images naïves des dessins de Sarah Kay. Ils sont le raffinement d’un tea cream dans un manoir ou la chaleureuse quiétude d’un goûter de l’Avent dans un chalet enneigé. Ronds, carrés, étoilés, ils blondissent dans le four. Pâtisseries traditionnelles, les biscuits faits maison sont emblématiques d’une époque qui se veut ancienne mais qui, au fond, n’a pas d’âge. Qui sont nos aïeules cuisinières ? D’une époque révolue, celle de la bougie peut-être, elles ne sont même plus les grands-mères d’aujourd’hui. Malgré tout, la magie intemporelle de la bonne cuisine encensera toujours un autrefois mythique que l’on s’appropriera encore longtemps dans notre imaginaire collectif. Longue vie à la cuisine de nos grands-mères !

 



[1] De l’alsacien « brot » : pain. Petits gâteaux secs aux formes et parfums divers, traditionnellement confectionnés durant l’Avent.

[2] Nathalie BONIFACE-MERCIER, L’Hiver avec elle, Editions Unicité (2019)


dimanche 1 décembre 2024

Premier dimanche de l'Avent

 

                                                   Quatrième dimanche de l'Avent décembre 2014

Premier dimanche de l’Avent à la datcha. La crèche et les décorations de noël sont installées. Les quatre bougies, la mèche immaculée, sont dressées dans de petits pots de verre couleur tilleul. Tout à l’heure, à la nuit tombée, l’une d’elles sera allumée. Piccolo, le chat, s’est couché sur mes genoux, insensible au cliquetis du clavier de l’ordinateur. Je pourrais écrire à la main dans un joli cahier. J’en ai tout une collection. Mais le chat en a décidé autrement. Il a bon dos, ce chaton ! J’écris bien plus souvent sur écran que sur papier. Il fut un temps où écrire, pour moi, était autant le plaisir de faire glisser le crayon sur la page d’un cahier, le bureau face à la fenêtre, que celui de faire jaillir un monde. C’était l’époque où je n’avais pas d’ordinateur et que je ne trouvais pas à ma machine à écrire de jeune enseignante le charme des vieilles Remington ! C’était l’époque encore plus lointaine – mon adolescence – où je n’aurais pas conçu d’écrire mes premiers romans autrement qu’à la main, en hommage aux grands auteurs du 19ème siècle qui peuplaient mon olympe littéraire. Je ne confiais au clavier d’une machine rapportée par mon père de son bureau – antique bécane à mes yeux car elle devait dater des années soixante ! – que la version définitive du roman achevé. Lequel prenait la forme, après agrafage des feuillets, d’un prototype de livre. Je n’en étais pas encore au photocopiage et à la reliure à spirale noire pour que mon travail devienne un « manuscrit » comme on dit dans le métier, en tordant si bien le cou à l’étymologie. Comme quoi le poncif du livre écrit à la plume ou au stylo est encore bien implanté dans notre imaginaire collectif.

Me voilà à écrire sur l’art d’écrire alors que j’avais en tête de vous parler de gelées blanches. Celles qui ont paré, ces jours-ci, les talus et les jeunes pousses de blé d’hiver, leur donnant une teinte vert céladon. C’était jeudi matin. J’avais, à regret, sacrifié le voile de givre sur mon pare-brise. Les cristaux avaient des motifs comme on en trouvait sur d’anciennes tentures, entre l’aigrette, la palmette et la feuille d’acanthe. Mais la campagne me redonnait ce qu’en ville j’avais perdu. Des baies de cynorrhodon coiffées de blanc dans les haies rabougries qui parsèment modestement ma route. Les dernières feuilles d’érable, jaunes et dentelées de givre, au détour d’un bosquet et, enfin, la vallée de la Noye aquarellée de brume d’où émergeait un clocher au loin, en contrebas du virage emprunté. Un spectacle que seuls les vrais frimas peuvent offrir et dont je ne me lasse pas chaque année, appréhendé brièvement parce qu’un voyage en voiture est l’ennemi de la contemplation. La descente sur le village ramène déjà les yeux à l’ordinaire, au commun des jours et des hommes. Stop. Cour de ferme en face. Clignotant à gauche. Macadam. Maisons collées au trottoir. Sortie du village. Ne pas regarder les vestiges en tôle taguée d’un supermarché désaffecté. Reprendre du service au temple du beau, de l’inimitable, de l’éphémère dans le lit de la Noye, là où la terre marécageuse n’a pas été domestiquée, juste quelques arpents de terre libre où le jonc et les ombelles de carotte sauvage desséchées dans la froidure du matin sont sertis de blanc, avant d’entrer dans le bourg. 

 


samedi 16 novembre 2024

Retour à la maison des aïeux

 

                                      Saint-Thibault (Cher), mai 2024


En ce mois de novembre traditionnellement voué à l’attribution des prix littéraires, je prends volontiers le contrepied en mettant à l’honneur une petite maison d’édition et un livre qui ne fera pas la une des journaux. J’avais déjà, dans une chronique datant du 4 juillet dernier, évoqué un coup de cœur similaire. J’ai acheté La maison de la fontaine[1], par attrait pour les maisons. La narratrice, âgée, ouvre ce récit autobiographique sur un souvenir intime : les retrouvailles avec la maison familiale, modeste habitation d’un village du Périgord, décatie et presque à l’abandon. Elle est venue la présenter à celui qu’elle ne nomme pas mais qu’elle évoque au cours du livre avec la pudeur délicate de la femme qui a partagé la vie d’un homme qui n’est plus. Le couple, qu’on suppose jeune alors, a redonné vie, année après année, à cette petite maison, soucieux d’abord de lui rendre son modeste éclat, ses caractéristiques paysannes comme son cantou, avant de la modeler à leur goût. Maison passeuse de générations et d’histoires, maison de terroir, elle s’autorise enfin à être autre pour que la lumière et les livres entrent, même si « Autour de la maison flotte le parfum des mots de l’enfance. Le mot enclos est de ceux-là, qui porte en lui quelque chose d’antique et de matriciel. Image peut-être de l’hortus médiéval où croissent les simples ou du jardin mystique où s’abrite la virginité bleue de Marie. »[2] Le passé ne s’en va pas vraiment ; la maison reste incarnée dans une famille et un territoire. Photographies et toponymes sont là pour rappeler à la narratrice son ancrage en ces lieux. Elle évoque le poids de cette contrée dans sa densité tellurique et historique, en une réflexion qui me rappelle les écrits de Pierre Bergounioux. « Des noms comme des litanies du quotidien qui font se lever les lieux – que l’on appelle si joliment des lieux-dits –, une incantation propitiatoire pour déjouer l’âpreté du réel, de même qu’un patronyme gravé sur une tombe déjoue l’obscénité du cadavre enseveli. »[3] Horizon replié, hivers âpres, terre de préhistoire, de quoi nourrir une enfance rêveuse, réenchantée des années plus tard par la plume sublime de Laure Catusse, devenue femme et écrivain.

Le récit, hommage aux ancêtres de l’auteur, se poursuit dans une facture narrative classique, l’évocation des aïeux à travers la grande Histoire et l’intime par le truchement de photographies décrites. Cet album tourné pour nous, lecteurs, aurait pu lasser ; on ne rejoint pas forcément ces inconnus et ces anecdotes qui font l’arrière-pays intime d’autrui. Mais le récit de Laure Catusse offre de délicieuses réflexions sur les pouvoirs de la photographie : « Je peine à imaginer Madeleine dans le quotidien des travaux de la ferme. Ils ne sont pas dignes d’entrer dans la mythologie familiale. Les photographies n’en disent rien non plus, on ne photographie pas l’ordinaire des jours et l’évidence des tâches matérielles. […] le cliché ne dit rien de la vie à la campagne en été, il a seulement capturé, comme par effraction, le tremblement de choses dans le temps[4]. »

 

 



[1] Laure CATUSSE, La maison de la fontaine, Editions Unicité (2022)

[2] Page 10.

[3] Pages 84 - 85

[4] Laure Catusse cite ici l’écrivain Jean-Christophe Bailly à qui elle fait allusion dans la même page.


vendredi 1 novembre 2024

Ode à l'impératif

 


Volets restés fermés quelque temps à la datcha pour cause de grand nettoyage de jardin et activité fébrile peu propice à l’éclosion des mots. Valises vidées après une escapade sur les terres familiales qui fleurent bon la mirabelle et la bergamote, et reprise du rythme trépidant. Il faut que … Faire… Ranger… Accueillir… Je m’accorde une pause dans le fauteuil du bureau entre chien et loup. L’heure d’hiver a gagné notre quotidien et pare la maison de puits de lumières ambrées au gré des lampes posées sur les meubles. Je saisis le journal du mercredi, pas encore ouvert depuis notre retour. Un rendez-vous attendu, immanquable avec l’un des chroniqueurs dont je savoure toujours les lignes. C’est la page que je lis en premier. Ma friandise de gourmande des mots. Le titre nous exhorte à être vieux. Injonction qui prend le contre-pied du jeunisme ambiant dont on abreuve la société aujourd’hui. La chronique est truffée d’impératifs en un subtil jeu de miroirs. Nous qui sommes perpétuellement conditionnés par les dictats, aiguillés par une pléthore de y-a-qu’à, faut-qu’on, entravés par le regard de l’autre au point de nous imposer des garde-fous, des règles, nous qui vivons de to-do list, qui conjuguons le verbe faire à tous les futurs, qui déclinons au vocatif les rêves, les souhaits, les projets et les tâches, nous qui nous mettons au garde-à-vous du général Tempus, qui découpons le gâteau des jours en minutes et secondes sans en laisser une miette, nous qui n’en pouvons plus des voix comminatoires de notre prochain, nous qui sommes pressurés, essorés par le grand manitou Faites Ceci et son aréopage de publicités supposées nous prendre dans ses filets, voilà que la plume de mon chroniqueur bien-aimé déploie une cascade d’impératifs. Et voilà que cette invitation me charme. Me rassérène. M’attendrit. Je plonge. Je bois les mots. Un vrai nectar que je vous incite à savourer aussi. Trinquons alors à la poésie donneuse de bonheur et non de leçons ! « Soyez démodés. Has been. Old fashioned. Inactuels. À contretemps. Ne vous habituez pas au monde tel qu’il est : visiblement il ne va pas. Soyez obsolètes. Délicieusement ou obstinément périmés. Ne soyez pas dans le vent, accrochez-vous aux vieux bastingages, à la rambarde de guingois. […] Moquez-vous du regard oblique des censeurs de cette chambre vide : l’aujourd’hui. Cuisinez-leur vos recettes de grands-mères, dans la casserole de cuivre qui en a vu tant d’autres. […] Parlez-leur de cette guinguette au bord de l’eau, de l’Hôtel du Nord, de la gueule d’atmosphère, de la pénombre des voix, des visages, des noms d’autrefois, de Carette, de Dalio, de Jouvet. […] Soyez d’hier, d’avant-hier, d’il y a mille ans, refaites la première croisade, rebâtissez les cathédrales, écoutez battre le vieux cœur de la ville, soyez désheurés, anachroniques, mal lunés. […] Dites-leur qu’une maison ne tient debout que par la vétusté des paroles et des objets qu’on y fait résonner. […] »[1]

Je ne peux pas tout retranscrire. Vous l’aurez compris, lisez le journal !



[1] Soyez vieux ! Chronique de Emmanuel GODO (poète), La Croix, mercredi 30 octobre 2024


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