Je
serai en dédicace au Marché de la poésie, place Saint-Sulpice à Paris, dimanche
22 juin 2025, sur le stand des Edictions Unicité pour la sortie de Origami,
mon tout dernier recueil de poésie.
Danse,
opéra et littérature sont souvent de connivence. Carmen, bohémienne sans foi ni
loi, séductrice impitoyable, cueille les cœurs au gré de ses caprices. Gare à
qui se laisse prendre dans ses filets. Qui ne connaît Carmen ? Elle
traverse les années, fête ses 180 ans[1] sans prendre une ride. Le
3 mars 1875, elle monte pour la première fois sur scène dans l’opéra de Georges
Bizet, opéra le plus joué jusqu’à nos jours. Le 21 février 1949, le chorégraphe
Roland Petit signe une flamboyante interprétation, toujours dansée à travers le monde. Je
me souviens d’avoir vu, enfant, ce ballet donné au théâtre du Châtelet par la
compagnie du Ballet National de Marseille. Un souvenir inoubliable ! La sauvage
Carmencita n’a pas fini d’inspirer metteurs en scène et chorégraphes.
Sa
célèbre habanera retentira samedi 14 juin 2025 sur la scène de Mégacité
à Amiens (20 heures 30).
Elle
écartait sa mantille afin de montrer ses épaules et un gros bouquet de cassie
qui sortait de sa chemise. Elle avait encore une fleur de cassie dans le coin
de la bouche, et elle s’avançait en se balançant sur ses hanches comme une
pouliche du haras de Cordoue.[2]
[1] Octobre
1845 : parution de la nouvelle Carmen de Prosper Mérimée dans la
Revue des deux mondes.
[2] Carmen,
Prosper Mérimée, extrait du chapitre III, page 94 Livre de poche (1996)
Dimanche
1er juin, j’ai la chance et la joie de participer à la clôture du
Festival du Rayon Vers, festival de poésie de la région Hauts-de-France, dont
les premières pousses et boutures sont à l’initiative des Éditions La Chouette
Imprévue. Ce festival, durant tout le printemps, met à l’honneur la poésie par
des lectures et spectacles ; tisse des liens entre des poètes français et
belges (proximité géographique et linguistique) et les auditeurs, propose des
ateliers d’écriture poétique. Grande première cette année, le musée de Picardie,
à Amiens, nous ouvre ses portes pour une déambulation entre les œuvres au fil
des vers. J’y lirai, l’après-midi, des extraits de L’Engrangeoir mais également
d’autres poèmes. Pour l’occasion, j’avais taquiné la muse en musardant dans le
musée et mon coup de cœur s’était porté sur un tableau d’Albert Maignan, La
Muse verte. Muse séductrice et dévorante puisqu’il s’agit ici de l’absinthe,
boisson appréciée des artistes du 19ème siècle mais qui, chez moi, n’a
connu que le bout de mon crayon et pas trempé dans mon verre ! Or, hasard
du calendrier, le musée prépare une exposition rétrospective sur l’œuvre du
peintre Albert Maignan et ma Muse verte a donc pris la poudre d’escampette !
À défaut de pouvoir lire mon poème devant la demoiselle, le voici présenté à la
Datcha.
La Muse verte (1895) Albert Maignan, musée de Picardie
Je suis ta fuite
Ton orgueil
Ta solitude
Quand tu chavires
Vaisseau amer homme
défait
Renversé par la lame de
tes échecs
Je suis naïade
Je t’ensorcelle, je
t’aspire, je t’étreins
Vouivre verte dans ton
verre
Je te cède l’insaisissable
ivresse
Te murmure des songes
Qui cognent
Je t’efface des horloges
Je suis ton exil des
places habitées
Je suis ta douleur
d’amour perdu
Je t’embrasse et te
caresse
Je serpente en toi
Femme venin
Je me repais de ton
abandon
Tu cherches les mots
Tu bâtis des chimères
Qui n’ont point loi de
vers
Poète désarmé
Tu ris quand tu voudrais
pleurer
Dans le ressac des
illusions
Tu crois saisir ton
destin
Et me résister
Mais je te voile les yeux
Écharpe d’organdi
Légère mais point volage
Et muse fidèle toujours
je reste à tes côtés.
Nathalie
Boniface-Mercier
10 mai 2025
Au
jardin, un couple de mésanges charbonnières virevolte du rosier au nichoir
installé cet hiver, sous l’œil averti de Piccolo. Comment concilier mon amour
des chats et des oiseaux ? Espérons que l’un n’aura pas la patte trop
véloce et que les autres auront le battement d’ailes suffisamment vif.
Au
bureau, les relectures multiples des épreuves d’un livre, avant de signer le
bon à tirer, me demandent d’avoir des yeux de lynx pour chasser les coquilles plausibles.
En ces moments-là, le livre à venir n’est
pas encore concret malgré l’image de couverture proposée par l’éditeur. Maquette.
Mirage, presque. L’émotion est toujours là. Mais ce n’est plus la fièvre
impatiente des premières fois. On sait attendre. On lit, on relit. Le texte
finit par être désincarné. Des lettres, des mots comme des dessins, qui n’admettent
pas le moindre écart. Je ne me suis jamais remise d’un de mes livres publiés
quelques années plus tôt, truffé de fautes faites par un correcteur automatique
d’orthographe - le comble ! - alors
que mon tapuscrit en était indemne. Malgré mon œil sagace et agacé à traquer
ces irrévérencieuses bévues, j’en ai laissé filer deux ou trois, fatigue oblige,
et de celles que j’avais signalées toutes n’avaient, hélas, pas été corrigées.
Quel gâchis ! Un si bel ouvrage (je parle du livre en tant qu’objet), un travail
d’écriture si long (plusieurs années de recherches et de rédaction). Mes chères
princesses, vous m’avez vue bien désolée. Depuis, j’ai toujours ce pincement au cœur
quand un livre est en cours de fabrication, quand bien même, heureusement, il y
a des éditeurs très scrupuleux et en qui je peux avoir confiance. Un écrivain
doit tant à ses éditeurs ; ils font la pluie et le beau temps sur le champ
que l’auteur a longuement labouré et ensemencé.
Le
muguet est déjà fané, les premières roses écloses. Dans cette marche chaotique du
monde, la nature suit son bonhomme de chemin, quand la main irrespectueuse de
l’homme ne la contrarie pas. Les éditeurs sortent leurs dernières potées qui
fleuriront - ou pas - à tous les balcons médiatiques et dans les parterres des
réseaux sociaux. Un brassage en continu. Les pollens volent tous azimuts. C’est
à ne plus savoir que butiner tant l’offre est pléthorique. Il faut avoir du nez
pour ne pas se laisser enivrer par les charlatans du verbe. Et quand
lit-on ? Le temps consacré à la lecture ne cesse de décroître. Bien sûr,
il y a une éclosion sans pareille ces vingt dernières années de salons du
livre, bien sûr le web fourmille de comptes Instagram ou de blogs consacrés à
la lecture, bien sûr des portraits d’auteurs s’affichent dans le métro avec la
mention Ecrivain préféré(e) des Français (Un peu court, non ?
Sommes-nous tous les mêmes Français lecteurs ?), bien sûr les livres se
prêtent, se donnent, se revendent, bien sûr tout le monde écrit des livres …
mais n’est-ce pas quelque peu un miroir aux alouettes ? Sans verser dans
l’élitisme, une étude plus approfondie du lectorat offrirait bien des
surprises. Mais les clichés comme les valeurs sont, somme toute, subjectifs et
autarciques. Tout se vaut. Si vous n’en êtes pas certain, vous passez pour un
rabat-joie ou un snob. Par dé-formation professionnelle, je suis
souvent traversée par ces jugements hâtifs ou mûrement réfléchis, c’est selon;
à l’aune de ma propre culture de lectrice ou de mes préjugés, c’est selon. Quoi
qu’il en soit, mon regard se fait bien indulgent, à défaut d’être toujours
bienveillant, quand il happe, dans le bus, le métro ou les terrasses de café,
des quidams le nez dans un livre.
Enseignants,
écrivains (ceux qui lisent !), éditeurs, libraires ne cesseront de clamer
les bienfaits multiples de la lecture. Même le défunt pape François avait loué
les mérites de la littérature dans l’épanouissement individuel de l’humanité
dans son discours donné à Rome le 17 juillet 2024 et qui a été édité sous le
titre Lettre sur le rôle de la littérature dans la formation.[1] Si sa réflexion fait le
constat que l’étude littéraire n’est pas assez prégnante dans la formation des
futurs prêtres et s’il articule démarche spirituelle et sensibilisation à son
prochain par la littérature, son propos ne s’arrête pas là. Sa lettre est un émouvant et subtil plaidoyer
en faveur de la lecture : « La littérature a donc à voir, d’une
manière ou d’une autre, avec ce que chacun désire de la vie, puisqu’elle entre
en relation intime avec son existence concrète, avec ses tensions essentielles,
ses désirs et ses significations. » La lecture permet, dit-il en
citant Jorge Luis Borges, d’écouter « la voix de quelqu’un ».
Et le Saint-Père de rappeler « combien il est dangereux de ne plus
écouter la voix de l’autre qui nous interpelle ! » Par la
lecture, nous sommes concrètement sollicités : « Le lecteur est
ainsi semblable à un joueur sur le terrain : il joue le jeu, mais en même
temps le jeu se fait à travers lui, en ce sens qu’il est totalement impliqué
dans ce qu’il fait. » Le lecteur est tout autant sujet et objet de sa
lecture. « [La lecture] active en nous le pouvoir empathique de
l’imagination qui est un véhicule fondamental pour la capacité d’identification
au point de vue, à la condition, aux sentiments des autres, sans laquelle il
n’y a pas de solidarité, de partage, de compassion, de miséricorde. […]
Le regard de la littérature forme le lecteur au décentrement, au sens de la
limite, au renoncement à la domination cognitive et critique sur l’expérience,
lui apprenant une pauvreté qui est source d’une extraordinaire richesse. En
reconnaissant l’inutilité et peut-être même l’impossibilité de réduire le
mystère du monde et de l’être humain à une polarité antinomique vrai/faux, ou
juste/injuste, le lecteur accepte le devoir de juger non pas comme un
instrument de domination mais comme un élan vers une écoute incessante […] »
La surprise et la joie de
découvrir la vitrine d’une librairie consacrée à la poésie où figure mon
recueil L’Engrangeoir. Un grand merci à la Théière de la libraire
d’Amiens qui assure si gentiment la promotion des ouvrages des éditions de La
Chouette Imprévue. Mon Engrangeoir a encore de beaux jours devant lui ! Il
a même été réédité en janvier dernier !