Parfois les murs sont de vieilles demoiselles
Qui sentent
un peu la naphtaline
Et ont une
bonhomie rugueuse.
8 mai 2022
Parfois les murs sont de vieilles demoiselles
Qui sentent
un peu la naphtaline
Et ont une
bonhomie rugueuse.
8 mai 2022
Source Internet
Origami
Plier
sa tristesse en origami
Cacher
sa mélancolie
Dans
le vert tendre du papier
Avec
les doigts de la volonté
Composer
une silhouette d’oiseau
Et
la laisser s’envoler à l’écho
De
notre vague à l’âme
Vague
à l’air
Vague
à l’eau
Vogue
vole oiseau
La
tristesse se fait la belle
Dans
les plis et replis
À tire d’aile
Origami
Décembre 2019
Amandine Albisson, danseuse étoile de l'Opéra de Paris. Source Internet |
J’ai entendu ce matin à la radio que
c’est aujourd’hui la journée de la danse. J’ignorais qu’il existait une journée
de la danse. Quel bonheur d’apprendre qu’on rend hommage à Terpsichore !
La danse n’est pas aussi vieille que l’humanité mais on peut penser que nos lointains
ancêtres ont un jour esquissé quelques pas, fait onduler leurs bras. Si l’art
pariétal nous est parvenu, nulle trace du corps en mouvement. Il faut attendre
l’antiquité avec les statuettes et les bas-reliefs.
En
cette journée de la danse, ayons une pensée émue pour toutes les danses, aux
quatre coins du monde : les arabesques et pirouettes des danseurs classiques,
le tango, le hip hop des gamins des rues newyorkaises, les danses rituelles de
l’Afrique noire, les spirales des derviches tourneurs, la samba, la valse
viennoise, le dabkeh au Liban, la séguedille, le fandango et le flamenco espagnols, la bourrée auvergnate, la gigue
écossaise, la csárdás hongroise, la gavotte, le menuet,
la pavane, le rigaudon, le trepak russe, la tarentelle. Impossible de nommer
toutes les danses du monde. Leur variété donne le tournis !
Danse traditionnelle coréenne Source Internet
« Elle
semble d’abord, de ses pas pleins d’esprit, effacer de la terre toute fatigue
et toute sottise. […] Qu’ils sont habiles, qu’ils sont vifs, ces purs ouvriers !
Ces deux pieds babillent entre eux, et se querellent comme des colombes. Le même
point du sol les fait se disputer comme pour un grain. Ils s’emportent
ensemble, et se choquent dans l’air, encore. A droite, à gauche ; en
avant, en arrière, et vers le haut et vers le bas, elle semble offrir des
présents, des parfums, de l’encens, des baisers, et sa vie elle-même, à tous
les points de la sphère, et aux pôles de l’univers. Elle trace des roses, des
entrelacs, des étoiles de mouvement, et de magiques enceintes. Elle bondit hors
des cercles à peine fermés. Elle bondit et court après des fantômes. Elle cueille
une fleur qui n’est aussitôt qu’un sourire. »
Paul VALÉRY L’âme et la danse, NRF 1921
Léonore Baulac, danseuse étoile de l'Opéra de Paris, source Internet
Germain Louvet, danseur étoile de l'Opéra de Paris dans le ballet Casse- Noisette, source Internet
La création
Sinueuse et indomptable
Elle repousse
Les plaques tectoniques de notre conscience
Elle gronde sourd et jaillit
Magma de mots et d’images
Ardente lactescence
Feu de Bengale
Millefiori
Kaléidoscope
Elle fume file s’effiloche
Dans la tréfilerie de notre âme et des forces vives
Lucie fileuse
Lampe en papier de riz
Elle promène ses hésitations
Tombe comme une lune
Dans le sillage de l’onde
Cueillie par la canne du souffleur
Elle rougeoie tournoie
Feu de verre oblong
Priapisme ambré
Au lucernaire
De la vigile
Elle défile feu follet
Elle vacille
Filament funambule
De nos envies
Forge de Vulcain
Elle cisèle le bouclier de notre muse
D’achillées jaune d’or
Babel débridée
Elle fuse
explose
en constellations
mars
2020
Seule la
terre est éternelle. Avec un titre aussi séduisant, le film de François
Busnel et Adrien Soland, consacré à Jim Harrisson, promettait d’être une
pépite. C’est effectivement un très bel hommage rendu à l’écrivain américain,
décédé le 26 mars 2016, à sa table de travail alors qu’il écrivait un poème. Le
tournage du film avait eu lieu moins d’un an plus tôt. Jim Harrisson, alors âgé
de 77 ans, à la démarche claudicante, au souffle court et rauque de grand
fumeur, évoque son enfance rurale dans le Michigan, ses lectures d’adolescent –
Stendhal, Apollinaire, Rabelais –, la mort de son père et de sa sœur dans un
accident de voiture et ses débuts dans l’écriture. Ses souvenirs sont livrés à
la caméra, pudiquement, avec des mots simples. La diction est lente, tantôt
lasse, tantôt teintée d’autodérision, parfois désabusée quand il évoque la
fracture sociale aux Etats-Unis. Des gros plans sur son visage aux rides
profondes captent les yeux du vieil homme, l’œil droit à jamais éteint, à sept
ans, accidentellement crevé, l’œil gauche à demi-caché par une paupière
tombante et soudain grand ouvert, perspicace et assuré. La bouche édentée
accueille une sempiternelle cigarette et témoigne de la vieillesse abrupte,
sans fard d’un homme qui vit au rythme des saisons du Montana ou de l’Arizona,
mais aussi de celles de l’humaine condition, loin des mirages de l’argent,
argent que lui procure pourtant ses millions d’exemplaires traduits dans plus
de vingt langues. Jim Harrisson résume le bonheur de vivre à écrire le matin,
pêcher l’après-midi et, surtout, vivre en osmose avec la nature, l’admirer et
accepter son versant nécessairement sauvage. Il fustige les ambitions délétères
des hommes et l’extermination des Indiens par l’homme blanc. Il ne craint pas
la mort, parce qu’inéluctable, et admet la possibilité d’une vie après la mort,
au regard de l’immensité de l’univers, mais sans se référer à Dieu. Un brin
cabotin, il fait le pari de plusieurs dieux. Clin d’œil, peut-être, à ses amis
indiens.
« On
ne peut ramer ni nager à contre-courant.
Cette eau
vive est ton passé continu que tu ne peux retrouver en empruntant le même
sentier
qui t’a
mené au présent, à chaque instant
l’implacable
l’indifférence
du temps. À un moment de ma vie
presque
tous les arbres de la terre étaient plus
petits
que moi, et
aucun des oiseaux ici présents n’était là
à ma
naissance, sauf un ara âgé à Bahia.
[…] [1] »
Au gré des confidences de Jim
Harrisson, le film déploie de superbes vues du Montana, à toute heure du jour,
mais aussi les territoires amples, rugueux de l’Idaho, de l’Utah, du Nevada, de
l’Arizona, encore pleins d’une résonance tragique quand les colons exterminaient
les Ojibwés. Ces interminables routes du grand ouest américain qu’emprunte la
voiture du vieillard qui roule vers son cabanon d’homme des bois à Patagonia
(Arizona) ne sont-elles pas la métaphore de sa longue vie d’écrivain solitaire
?
[1] Extrait
du poème Suite de livingston, Une heure de jour en moins
(2006)Editions J’ai Lu 2021, traduction de l’anglais par Brice Matthieussent.