Les
derniers jours des vacances sont déjà loin et si près à la fois. L’ultime
échappée belle s’est nourrie d’images, mais pas de celles qu’on épingle sur les
réseaux sociaux. Parce que l’intime ne s’affiche pas. Parce qu’il y a des
moments précieux, ténus ou volatiles que l’appareil photo ou le téléphone
portable ne capte pas. Mon album des derniers jours d’été loin de chez moi est
fait de musique : quelque part dans une petite église en Vendée, les voix
magnifiques d’un chœur amateur chantant le Veni Creator, quelque part en
Charente, dans le salon d’une maison de famille, une envolée majestueuse au
piano d’un morceau de Keith Jarrett. Tournons les pages de mon album. Les
couleurs déclinées au soleil levant, au cœur du jour ou au couchant : la
prairie et les moutons devant les volets tout juste ouverts, le blanc irradiant
de la robe de la mariée, le millefiori des têtes chapeautées, les
teintes d’ocre du clocher du village. Il s’échappe des parfums de mon
album : celle du foin accablé de chaleur, celle des chemins de terre au
petit matin qui innervent la campagne charentaise. Il s’échappe des saveurs :
douceurs du cocktail, tomates délicieuses et pêches du jardin, vin grenat
savoureux. Mais je garde pour moi et les personnes aimées avec qui j’ai partagé
tous ces moments l’essentiel, ce que la photographie ne capte pas, les mots
glissés, murmurés, déclamés, chahutés par les rires ou l’émotion. Les mots qui
disent de longues histoires, les mots des jeunes, les mots d’une vieille dame
née dans cette lointaine et ancienne Indochine, les mots des prières à Notre
Seigneur, les mots où l’on se confie, les mots des voix de ceux et celles avec
qui j’ai vieilli, de près ou de loin, les mots des voix nouvelles et inconnues
avec qui j’ai partagé un fragment de vie, une coupe à la main.
Un
album bien garni, bien épais dans mes souvenirs et encore tout plein de pages
vierges qui se rempliront au fil des ans.